samedi 24 mars 2012

Marinetti - La maladie du luxe.

La dernière partie de cette proclamation est très contestable, sinon abjecte. Comment penser que la femme n'est faite que pour la procréation de "guerriers"? Que la femme n'est là que pour perpétuer la race? Marinetti contredit par ses conclusions, bien des points de son exposé. Cela dit, le reste de sa fable et notamment les points 1 à 7, sont on ne peut plus pertinents et en outre, d'actualité. La révolution sexuelle débouche sur une marchandisation des corps et des sentiments.


1- La manie grandissante du luxe féminin manifeste de jour en jour, avec l’imbécilité masculine, le symptôme d’une véritable maladie.

2- Cette manie maladive condamne de plus en plus la femme à une prostitution masquée mais inévitable. On voit partout, dans toutes les classes sociales, l’offre inconsciente et vaniteuse du corps féminin embelli par la toilette. Changer de toilette trois fois par jour veut dire exposer trois fois son corps au marché, pour les mâles acheteurs. L’offre rabaisse la valeur de la femme comme objet précieux et mystérieux. L’offre éloigne le mâle qui méprise la femme facile, veut découvrir et lutter pour jouir.


3- L’offre, alors même qu’elle est suivie de la vente exclut, toujours, l’idée de monopole. Le mâle pour désirer une femme doit pouvoir espérer le monopole de cette femme.

4- La manie maladive du luxe pousse les mâles au crime.



5- Cette manie maladive détruit l’amour.

6- Cette manie maladive détruit l’attraction épidermique et le plaisir charnel ; elle détruit le charme de la femme, autant que l’usage de la nudité dans les bordels. Les bijoux et les étoffes agréables au toucher détruisent chez le mâle le pur plaisir du toucher, qui s’exerce directement sur la chair féminine. Les parfums sont également contraires au vrai désir, parce qu’ils collaborent rarement avec les odeurs de la peau, combinent souvent avec eux un résultat désagréable, et distraient toujours l’odorat-imagination du mâle.


Le mâle perd peu à peu le sens puissant de la chair féminine et le remplace par une vague sensibilité indécise et artificielle qui répond seulement à la soie, aux bijoux et aux fourrures.
Ils sont de plus en plus rares, les mâles capables de prendre une femme et d’en jouir sans se préoccuper du cadre et du contact des étoffes, des chatoiements et des couleurs. La femme nue ne plaît guère. Les mâles se transforment en bijoutiers, parfumeurs, couturiers, modistes, repasseurs, brodeurs et pédérastes. La manie de la toilette favorise singulièrement le développement de la pédérastie et il faudra bientôt imiter ce doge très intelligent de Venise, qui obligea les belles vénitiennes à s’exposer, gorge nue, entre deux chandelles, à leur fenêtre, pour reconduire les mâles sur la bonne route.


7- Cette manie maladive développe stupidement la vanité de la femme, la détache du mâle et la dirige vers le financier. L’obsédante passion des étoffes et des bijoux éteint dans la femme la naturelle ardeur du sang et la joie de la dédition charnelle, et crée chez elle une véritable luxure de la soie, des velours, des bijoux.

8- Cette manie maladive qui se propage épidémiquement et imitativement dans le beau sexe, bien loin de différencier les femmes, les égalise toutes en monotonisant leur force de séduction. Considérez, attentivement par ces midis surprenants et lumineux de printemps prématuré toutes les dames de tous pays qui passent dans la rue Vittorio Veneto, à Rome. Elles sont toutes identiques. Nombreuses copies de deux ou trois modèles crées à Paris. Ennuyeuse et stupide soumission au goût étranger. Plagiat idiot que l’instinct artistique du mâle finit par mépriser.


9- Seulement les femmes ou les pédérastes savent juger les détails des dessous féminins. Un mâle, mâle, même très raffiné et très artiste, juge globalement l’ensemble agréable d’une femme qui se déshabille devant lui. Il en apprécie surtout l’intelligence physique.

10- Chaque femme belle, laissant aux femmes mûres ou laides le soin de se défendre par un luxe acharné, doit inventer sa toilette, couper elle-même sa robe, pour faire de son corps simplement orné un poème vivant absolument original. Chaque femme doit bien marcher, s’asseoir et se coucher avec grâce. Bien des jeunes filles marchent le dos courbé et les jambes ouvertes. Elles ont toutes besoin de gymnastique et de sport.
Nous autres futuristes, barbares très raffinés mais très virils, vivons dans tous les milieux, nous sommes sinon toujours aimés, du moins jamais dédaignés. Nous avons interrogé les mâles à succès : ils sont de notre avis. Nous ne parlons guère au nom de l’enfer des prêtres ni au nom de la morale. Nous parlons au nom de la race qui exige des mâles puissants et des femmes fécondées. La fécondité, pour une race comme la nôtre, est en cas de guerre sa défense indispensable, en temps de paix sa richesse de bras travailleurs et de cerveaux créateurs.
Au nom du grand avenir viril, fécond et novateur de l’Italie, nous autres futuristes nous condamnons le débordant crétinisme des femmes et l’imbécillité dévouée des mâles, qui collaborent ensemble au développement du luxe féminin, de la prostitution, de la pédérastie et de la stérilité de la race.

Filippo Tommaso Marinetti, 1920.



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