14 étoiles: pour chacune des
victimes dont le nom est gravé sur le socle du Monument. Inauguré le 24 juin
1989, il a été sculpté par Victor Caniato.
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VICTIMES DES COMPAGNIES DES MINES
ET DE L’EMPIRE
TOMBÉES LE 16 JUIN 1869 AU BRÛLÉ
• Marguerite Basson 16 mois •
Rose Rival 49 ans • Barthélémy Revol 38 ans • Femme Revol 35 ans • Claude
Soulas 19 ans • Joseph Françon 19 ans • Pierre Valère 21 ans • Jacques Fanget •
25 ans • Simon Chatagnon • 27 ans • Antoine Paule 27 ans • Claude Clémençon 27 ans
• Antoine Gourdon 38 ans • Michel Guineton 37 ans • Claude Georget 68 ans
Les nombreux promeneurs qui
empruntent le coquet chemin d’enceinte du plan d’eau du Gua le savent-ils ? Sur
le plateau des Forges, situé juste au-dessus, 17 ouvriers en grève sont morts,
tombés sous les balles des militaires, le vendredi 8 octobre 1869, en milieu
d’après-midi.
En cette fin d’année 1869, un
lourd climat social enveloppait le Bassin où forges et mines traversaient l’une
de leurs plus grandes crises. Raison majeure de ce vent de fronde ponctué par
des arrêts de travail : les salaires trop bas. L’autre source de conflits
permanents émanait de la rivalité entre mineurs et forgerons. Les premiers,
pénalisés sur leurs salaires devant le refus des forgerons d’employer un
combustible de basse qualité.
Les salaires arrivaient, dit-on,
à la limite extrême des besoins vitaux. La misère s’installait devant chaque
porte, dénoncée par les rapports confidentiels de police. La grève, reconnue
comme un droit depuis 1864, était dans l’air. Le mercredi 6 octobre 1869, une
cinquantaine de « gueules noires » se rendent aux « grands bureaux » afin de
renouveler leur demande de renvoi d’un chef de poste. Doléance refusée. Le
lendemain jeudi 7 octobre, la grève s’est généralisée, 1 200 mineurs sont sur
le carreau.
Devant les menaces proférées,
Lardy, le directeur de la régie d’Aubin, lance (par télégramme) l’appel suivant
au préfet : « Les mineurs ont envahi les forges du Gua (qui n’étaient pas
en grève), ils veulent les arrêter. Nous sommes débordés, donnez-nous
protection ».
Dehors, la foule surexcitée
assiège, malgré la résistance des gendarmes, les « grands bureaux ». Tissot,
l’ingénieur en chef, est bousculé, frappé, puis se rend à la foule déchaînée. «
Au bassin, à l’eau ! », entend-on parmi les grévistes. Mais au portail d’entrée
de l’usine, 70 soldats arrivent en courant de la gare, accompagnés du préfet.
Ils délivrent l’ingénieur et
obligent les grévistes à se disperser. Arrive le jour du drame, vendredi 8
octobre. Malgré la troupe forte de 150 soldats, les attroupements se reforment.
Le télégramme du préfet, resté sur le site, via le ministère de l’Intérieur, ne
laisse planer aucun doute. « Avec les hommes dont je dispose, je ne suis pas en
mesure de procéder à des arrestations sans effusions de sang », analyse le
préfet, en réclamant de toute urgence des renforts.
Pendant ce temps, les mineurs,
bien décidés à contraindre les forges et ateliers à la grève, obtiennent gain
de cause. Malgré les appels incessants au calme, les autorités se rendent à l’évidence,
« tout est inutile, faites ce que vous voudrez ».
à 15 heures, les forges sont
envahies, 1 400 personnes repoussent les forces armées dans leurs ultimes
retranchements. La grève vire à l’émeute. Devant les tentatives de désarmement
de la troupe, les baïonnettes blessent des manifestants.
La poussée reprend de plus belle,
des cailloux, des fragments de fonte, des boulons, pleuvent sur la troupe
affolée. Soudain, le commandement tombe : « Défendez-vous, utilisez vos armes
», hurle l’officier. Il est 15 h 20, un coup de feu claque, suivi de deux
autres puis par deux décharges collectives.
La mort était passée. 14 corps
sans vie restent étendus. Parmi eux, un enfant de 7 ans et deux femmes. 22
blessés, dont 3 ne survivront pas, seront soignés à l’hôpital du Gua. Quelques
secondes auront suffi pour faire 17 morts et 41 orphelins.
On parlera longtemps soldats de
ce " fait d’arme "…
C'est ce que l’Histoire a retenu sous le nom pudique de « fusillade
du Brûlé ». Joseph Sanguedolce est plus tranchant dans Parti pris pour la vie ;
il parle de « massacre ». Ce « fait d’arme » s’est passé à la Ricamarie un jour
lointain, le 16 juin 1869 quand le feu des soldats faucha 14 Ricamandois, dont
une femme et une gamine de 16 mois.
Et en effet, on a parlé longtemps
du Brûlé. Lorsque le 3 mai 1891 la chambre des Députés fut secouée par
l’affaire de la fusillade de Fourmies qui, deux jours auparavant, avait causé
la mort de neuf grévistes (dont quatre jeunes femmes et un enfant), le
socialiste Dumay invectiva le ministre de l’Intérieur Constans : " Vous
porterez toute votre vie le stigmate de Fourmies, comme l’Empire porte le
stigmate de La Ricamarie."
Il se dit aussi que Zola s’est
inspiré de la fusillade du Brûlé pour écrire celle de Germinal. Lorsque le
puits Devillaine fut comblé en 1964, Le Monde publia un article intitulé « Le
puits de Germinal est comblé ». Il est à noter que la ville d’Aubin, meurtrie
en 1869 également par un exploit militaire de même nature, dispute à La
Ricamarie l’influence sur le chef-d’œuvre. La fusillade d’Aubin pourtant, bien
que plus meurtrière (17 morts), eut lieu après celle de La Ricamarie et ne
bénéficia pas - comme on dirait aujourd’hui - de la même « couverture
médiatique ». Par ailleurs, des comportements des protagonistes du Brûlé,
rapportés notamment par le capitaine Gausserand, ressemblent beaucoup à
certaines scènes de Germinal et on retrouve au fil des pages un personnage
nommé la Brûlé. Petit indice, aussi ténu soit-il, qui joue encore en faveur de
l’hypothèse ricamandoise :
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« Mais il y eut dans la foule une
longue secousse, et une vieille femme déboula. C'était la Brûlé, effrayante de
maigreur, le cou et les bras à l'air, accourue d'un tel galop, que des mèches
de cheveux gris l'aveuglaient.
– Ah ! nom de Dieu, j'en suis !
balbutiait-elle, l'haleine coupée. Ce vendu de Pierron qui m'avait enfermée
dans la cave !
Et, sans attendre, elle tomba sur
l'armée, la bouche noire, vomissant l'injure.
– Tas de canailles ! tas de
crapules ! ça lèche les bottes de ses supérieurs, ça n'a de courage que contre
le pauvre monde !
(…)« La Brûlé alors plante tout
le paquet au bout de son bâton; et, le portant en l'air, le promenant ainsi
qu'un drapeau, elle le lança sur la route, suivie de la débandade hurlante des
femmes. Des gouttes de sang pleuvaient. »
La grève de 1869 inspirera à Victor Hugo son "Ode à la misère".
Les vers du poète sont plus
précis et plus percutants que de longues analyses, les voici :
" - Quel âge as-tu ? - Seize
ans. - De quel pays es-tu ?
D’Aubin. - N’est-ce pas là, dis-moi, qu’on
s’est battu ?
On ne s’est pas battu, l’on a tué. - La mine
Prospérait. - Quel était son
produit ? - La famine.
Oui, je sais, le mineur vit sous terre, et n’a
rien.
Avec la nuit de plus, il est
galérien.
Mais toi, faisais-tu donc ce
travail, jeune fille ? -
Avec tout mon village et toute ma famille,
Oui. Pour chaque hottée on me
donnait un sou.
Mon grand-père était mort, tué du
feu grisou.
Mon petit frère était boiteux
d’un coup de pierre.
Nous étions tous mineurs, -lui,
mon père, ma mère,
Moi. L’ouvrage était dur, le chef
n’était pas bon.
Comme on manquait de pain, on
mâchait du charbon.
Aussi, vous le voyez, monsieur,
je suis très maigre ;
Ce qui me fait du tort - Le
mineur, c’est le nègre.
Hélas, oui ! - Dans la mine on
descend, on descend.
On travaille à genoux dans le
puits. C’est glissant.
Il pleut, quoiqu’on n’ait pas de
ciel. On est sous l’arche
D’un caveau bas, et tant qu’on
peut marcher, on marche ;
Après on rampe ; on est dans une
eau noire ; il faut
Étayer le plafond, s’il a quelque
défaut ;
La mort fait un grand bruit quand
tout à coup elle entre ;
C’est comme le tonnerre. On se
couche à plat ventre.
Ceux qui ne sont pas morts se
relèvent. Pas d’air.
Chaque sape est un trou dont un
homme est le ver.
Quand la veine est en long, c’est
bien ;quand elle est droite,
Alors la tâche est rude et la
sape est étroite :
On sue, on gèle, on tousse ; on a
chaud, on a froid.
On n’est pas sûr si c’est vivant
tout ce qu’on voit.
Sitôt qu’on est sous terre on
devient des fantômes.
Les pauvres paysans qui vivent sous les
chaumes
Respirent du moins l’air des
cieux. - On étouffait.
Pourquoi ne pas vous plaindre aussi ? - Nous
l’avons fait.
Nous avons demandé, ne croyant
pas déplaire,
Un peu moins de travail, un peu
plus de salaire.
Et l’on vous a donné, quoi ? - Des coups de
fusil.
Je m’en souviens, le maître a froncé le
sourcil.
Mon père est mort frappé d’une balle. - Et ta
mère ?
Folle. - Et tu n’as plus rien ? - Si. J’ai mon
petit frère.
Il est infirme..."
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