Nos espoirs sont élevés.
Notre foi dans les gens est grande.
Notre courage est fort.
Et nos rêves pour ce magnifique pays ne mourront jamais.
Durant l'hiver de 1759, M. de Lévis organisa à Montréal,
d'accord avec le gouverneur de Vaudreuil; la revanche de la défaite et de la
mort de Montcalm. Il caressait l'espoir que le roi et son Conseil
n'abandonneraient jamais la colonie et lui enverraient de puissants secours. Sa
persuasion se communiqua aux soldats réguliers et aux troupes de la milice.
Dès le printemps, tous les préparatifs une fois terminés, il
charge M de Bougainville de la défense de l'est, le capitaine Pouchot de
l'ouest et se réserve avec Bourlamaque un retour offensif sur la capitale, à la
tête d'un effectif d'environ 6,900 hommes. Ces troupes s'ébranlent le 20 avril,
les unes descendant par eau, de Montréal à la Pointe-aux-Trembles, où les
autres les rejoignent le 25; le lendemain, l'avant-garde se met en mouvement,
commandée par M. de Bourlamaque, et marche vers la Vieille-Lorette pour
atteindre les hauteurs de Sainte-Foy, en traversant les marais de la Suette, la
nuit du 26 avril. Ni le tonnerre, ni la pluie d'orage, ne ralentissent la
marche des soldats, qui prennent possession des maisons.
Là, un bois d'une demi-lieue sépare l'avant-garde des
troupes ennemies. Elle le franchit, le matin, et se trouve en vue des Anglais à
200 toises du coteau. Par une marche de flanc, elle s'établit sur la route de
Sainte-Foy. Le corps des troupes défile par la droite, en silence. Mais Murray
a le temps de retirer ses troupes du Cap-Rouge avant d'être coupées par les
deux ailes françaises, d'amasser les munitions dans l'église et d'y mettre le
feu. Le chevalier de Lévis commença l'attaque sur son arrière-garde jusqu'à la
demeure et le moulin de Dumont, sis à une demi-lieue des remparts de Québec.
Les hommes que Murray y posta, pour la nuit du 26, allèrent se retrancher sur
les Buttes-à-Neveu.
Rentré en ville, Murray se porte en avant, le 26 avril, à la
tête de la garnison, laissant environ 400 combattants sur place : il s'avance
sur deux colonnes avec 3,000 hommes, 22 pièces de canons et obusiers. A cette
vue, M. de Lévis renvoie le gros des siens sur les Plaines d'Abraham. Murray
développe sa ligne principale sur un quart de lieue, en avant des Buttes :
quatre bataillons et les Montagnards écossais, commandés par Burton, forment la
droite, à cheval sur la route de Sainte-Foy; quatre bataillons, sous les ordres
de Fraser, forment la gauche, à cheval sur le chemin Saint-Luc; plus deux
bataillons de réserve; en outre, la droite était couverte par le corps
d'infanterie légère du major Dalling, et la gauche par la compagnie de Rangers
et 100 volontaires de la garnison. L'ordre de l'attaque est alors donné.
L'avant-garde française de dix compagnies de grenadiers
s'était mise en ordre de bataille, partie dans une ancienne redoute au levant
du Foulon, partie dans la maison et le moulin Dumont; les trois brigades de
droite à peine formées au moment de l'assaut des Anglais. Le général Murray
s'applique à enlever le moulin par des forces supérieures. Mais Lévis se replie
du moulin sur la lisière du bois en arrière, afin de rallier les brigades qui
arrivaient de ce côté. C'est durant ce recul que Bourlamaque tombe grièvement
atteint d'un boulet qui tue sous lui son cheval. Ses troupes, restées sans
recevoir d'ordre, voyant vers les bâtiments les grenadiers aux prises avec un
ennemi double en nombre, s'élancent d'elles-mêmes à leur secours : en face des
Montagnards, les grenadiers attaquent au pas de charge : maison et moulin sont
pris et repris plusieurs fois à l'arme blanche; enfin, ils leur restent et à
leurs officiers, le capitaine d'Aiguebelle et le colonel d'Alguier; ils y
périrent presque tous.
Pendant cette action, M. de Lévis lançait une partie de
l'aile droite contre la redoute qu'elle avait abandonnée pour se replier; elle
est reprise par les Canadiens ainsi que le bois à pic sur le bord du fleuve,
sous la conduite de M. de Saint-Luc entouré de ses Sauvages. Le feu devint très
vif, les miliciens se couchant pour recharger les armes et se précipitant
ensuite pour fusiller les canonniers sur leurs pièces. Les Montréalais, animés
par M. de Repentigny, se distinguent, malgré la mort du colonel Réaume, en
arrêtant seuls en rase campagne le centre de l'armée ennemie. Le mouvement
offensif de Murray avait échoué. Les Français allaient assaillir à leur tour.
Le chevalier ordonna de refouler l'aile gauche du chemin Saint-Louis sur celui
de Sainte-Foy à la baïonnette : il voulait la culbuter dans la vallée
Saint-Charles. Le colonel Poulhariès, avec une brigade, fond sur les Anglais,
traverse leurs rangs et les met en fuite. M. de Lévis, témoin de la débandade
de l'ennemi, enfonce sa droite et la pousse de front : la déroute des Anglais
est complète.
Les Franco-Canadiens les poursuivent au pas de course; mais
la fuite est si rapide et les portes de la ville si proches qu'on ne pouvait
réussir à en intercepter l'entrée aux fuyards. L'ennemi laissa aux mains des
vainqueurs, artillerie, munitions, outils de retranchement, les morts et une
partie des blessés : 1,124 en tout ou plus du tiers de l'armée. D'après l'aveu
de John Knox dans son Journal, les Français auraient repris Québec en y
pénétrant sur l'heure : ils étaient exténués. Ils eurent 833 hommes tués ou
blessés, parmi lesquels un chef de brigade, six chefs de bataillons, 96 autres
officiers, n'ayant eu d'ailleurs à opposer aux 22 canons de Murray que trois
petites pièces de campagne, traînées à bras dans les marais de la Suette. Les
Sauvages, qui s'étaient la plupart tenus dans le bois de Sillery durant le
combat, se répandirent sur le champ du carnage pour lever les chevelures : M.
de Lévis fit cesser ce massacre, dès qu'il en fut informé. L'action avait duré
presque deux heures.
Dès le même soir du 28 avril, on commença les travaux du
siège à huit cents verges des remparts, sous la direction de M. de Pontleroy,
ingénieur en chef, et de Montheillard, commandant de l'artillerie. Murray se
fortifia de son mieux, possédant un matériel complet et des munitions : il
allait tergiverser et ne comptait que sur l'arrivée de la flotte d'Europe. « Si
une flotte française l'eût devancée, écrit Knox, la ville serait retombée au
pouvoir des vainqueurs de Sainte-Foy ».
Onze jours après, une frégate britannique entrait en rade (9
mai), acclamée par les assiégés, durant une heure entière. La frégate
Lowestoffe fut suivie, le 15, de l'apparition de deux autres vaisseaux, The
Vanguard et The Diana . Aussitôt M. de Lévis se détermina à lever le siège, par
crainte d'être coupé dans sa retraite et de perdre ses magasins; c'était
pendant la nuit du 16 mai.
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