Notre système électoral est un compromis historique entre pouvoir oligarchique et pouvoir de tous: les représentants des puissances établies sont devenus les représentants du peuple, mais, inversement le peuple démocratique délègue son pouvoir à une classe politique créditée d'une connaissance particulière des affaires communes et de l'exercice du pouvoir.
L’élection d'un président comme incarnation directe du peuple a été inventée en 1848 contre le peuple des barricades et des clubs populaires et réinventée par de Gaulle pour donner un "guide" à un peuple trop turbulent. Loin d'être le couronnement de la vie démocratique, elle est le point extrême de la dépossession électorale du pouvoir populaire au profit des représentants d'une classe de politiciens dont les fractions opposées partagent tour à tour le pouvoir des "compétents".
Une vraie campagne de gauche serait une dénonciation de la fonction présidentielle elle-même.
L'acte politique fondamentale, c'est la manifestation du pouvoir de ceux qui n'ont aucun titre à exercer le pouvoir.
Je ne suis pas de ceux qui disent que l’élection n'est qu'un simulacre et qu'il ne faut jamais voter. Il y a des circonstances où cela a un sens de réaffirmer ce pouvoir "formel". Mais l’élection présidentielle est la la forme extrême de la confiscation du pouvoir du peuple en son propre nom. Et j'appartiens à une génération née à la politique au temps de Guy Mollet et pour qui l'histoire de la gauche est celle d'une trahison perpétuelle. Alors non, je ne crois pas que j'irais voter.
Jacques Rancière, avril 2012.
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