lundi 23 avril 2012

Québec libre et socialiste.



Front de libération du Québec
Manifeste du Front de libération du Québec
1970
Le Front de libération du Québec n'est pas le messie, ni un Robin des bois des temps modernes. C'est un regroupement de travailleurs québécois qui sont décidés à tout mettre en œuvre pour que le peuple du Québec prenne définitivement en mains son destin.
Le Front de libération du Québec veut l'indépendance totale des Québécois, réunis dans une société libre et purgée à jamais de sa clique de requins voraces, les « big boss » patronneux et leurs valets qui ont fait du Québec leur chasse-gardée du cheap labor et de l'exploitation sans scrupule.
Le Front de libération du Québec n'est pas un mouvement d'agression, mais la réponse à une agression, celle organisée par la haute finance par l'entremise des marionnettes des gouvernements fédéral et provincial (le show de la Brinks, le bill 63, la carte électorale, la taxe dite de « progrès social », Power Corporation, l'assurance-médecins, les gars de Lapalme ...).
Le Front de libération du Québec s'autofinance d'impôts volontaires prélevés à même les entreprises d'exploitation des ouvriers (banques, compagnies de finance, etc.).
«Les puissances d'argent du statu quo, la plupart des tuteurs traditionnels de notre peuple, ont obtenu la réaction qu'ils espéraient, le recul plutôt qu'un changement pour lequel nous avons travaillé comme jamais; pour lequel on va continuer à travailler.» - René Lévesque, 29 avril 1970.
La « democracy » des riches
Nous avons cru un moment qu'il valait la peine de canaliser nos énergies, nos impatiences comme le dit si bien René Lévesque, dans le Parti Québécois, mais la victoire libérale montre bien que ce qu'on appelle démocratie au Québec n'est en fait et depuis toujours que la « democracy » des riches. La victoire du Parti Libéral en ce sens n'est en fait que la victoire des faiseurs d'élections Simard-Cotroni. En conséquence, le parlementarisme britannique, c'est bien fini et le Front de libération du Québec ne se laissera jamais distraire par les miettes électorales que les capitalistes anglo-saxons lancent dans la basse-cour québécoise à tous les quatre ans. Nombre de Québécois ont compris et ils vont agir. Bourassa dans l'année qui vient va prendre de la maturité: 100 000 travailleurs révolutionnaires organisés et armés!
Oui, il y en a des raisons à la victoire libérale. Oui, il y en a des raisons à la pauvreté, au chômage, aux taudis, au fait que vous M. Bergeron de la rue Visitation et aussi vous M. Legendre de Ville de Laval, qui gagnez 10 000 dollars par année, vous ne vous sentiez pas libres en notre pays le Québec.
Oui, il y en a des raisons, et les gars de la Lord les connaissent, les pêcheurs de la Gaspésie, les travailleurs de la Côte Nord, les mineurs de la Iron Ore, de Quebec Cartier Mining, de la Noranda les connaissent eux aussi ces raisons. Et les braves travailleurs de Cabano que l'on a tenté de fourrer une fois de plus en savent des tas de raisons.
Les « vaisseaux d'or »
Oui, il y en a des raisons pour que vous, M. Tremblay de la rue Panet et vous, M. Cloutier qui travaillez dans la construction à St-Jérôme, vous ne puissiez vous payer des « vaisseaux d'or » avec de la belle zizique et tout le fling flang comme l'a fait Drapeau l'aristocrate, celui qui se préoccupe tellement des taudis qu'il a fait placer des panneaux de couleurs devant ceux-ci pour ne pas que les riches touristes voient notre misère.
Oui, il y en a des raisons pour que vous Madame Lemay de St-Hyacinthe, vous ne puissiez vous payer des petits voyages en Floride comme le font avec notre argent tous les sales juges et députés.
Les braves travailleurs de la Vickers et ceux de la Davie Ship les savent ces raisons, eux à qui l'on n'a donné aucune raison pour les crisser à la porte. Et les gars de Murdochville que l'on a écrasés pour la seule et unique raison qu'ils voulaient se syndiquer et à qui les sales juges ont fait payer plus de deux millions de dollars parce qu'ils avaient voulu exercer ce droit élémentaire. Les gars de Murdochville la connaissent la justice et ils en connaissent des tas de raisons.
Oui, il y en a des raisons pour que vous, M. Lachance de la rue Ste-Marguerite, vous alliez noyer votre désespoir, votre rancœur et votre rage dans la bière du chien à Molson. Et toi, Lachance fils avec tes cigarettes de mari... Des tas de raisons Oui, il y en a des raisons pour que vous, les assistés sociaux, on vous tienne de génération en génération sur le bien-être social. Il y en a des tas de raisons, les travailleurs de la Domtar à Windsor et à East Angus les savent. Et les travailleurs de la Squibb et de la Ayers et les gars de la Régie des Alcools et ceux de la Seven-Up et de Victoria Precision, et les cols bleus de Laval et de Montréal et les gars de Lapalme en savent des tas de raisons.
Les travailleurs de Dupont of Canada en savent eux aussi, même si bientôt ils ne pourront que les donner en anglais (ainsi assimilés, ils iront grossir le nombre des immigrants, Néo-Québécois, enfants chéris du bill 63).
Et les policiers de Montréal auraient dû les comprendre ces raisons, eux qui sont les bras du système; ils auraient dû s'apercevoir que nous vivons dans une société terrorisée parce que sans leur force, sans leur violence, plus rien ne fonctionnait le 7 octobre!
Le fédéralisme « canadian »
Nous en avons soupé du fédéralisme canadien qui pénalise les producteurs laitiers du Québec pour satisfaire aux besoins anglo-saxons du Commonwealth; qui maintient les braves chauffeurs de taxi de Montréal dans un état de demi-esclaves en protégeant honteusement le monopole exclusif à l'écœurant Murray Hill et de son propriétaire-assassin Charles Hershorn et de son fils Paul qui, à maintes reprises, le soir du 7 octobre, arracha des mains de ses employés le fusil de calibre 12 pour tirer sur les chauffeurs et blesser ainsi mortellement le caporal Dumas, tué en tant que manifestant ; qui pratique une politique insensée des importations en jetant un à un dans la rue des petits salariés des textiles et de la chaussure, les plus bafoués au Québec, aux profits d'une poignée de maudits « money makers » roulant en Cadillac; qui classe la nation québécoise au rang des minorités ethniques du Canada.
Nous en avons soupé, et de plus en plus de Québécois également, d'un gouvernement de mitaines qui fait mille et une acrobaties pour charmer les millionnaires américains en les suppliant de venir investir au Québec, « la Belle Province », où des milliers de milles carrés de forêts remplies de gibier et de lacs poissonneux sont la propriété exclusive de ces mêmes Seigneurs tout-puissants du XXe siècle;
Les blindés de la Brinks
D'un hypocrite à la Bourassa qui s'appuie sur les blindés de la Brinks, véritable symbole de l'occupation étrangère au Québec, pour tenir les pauvres « natives » québécois dans la peur de la misère et du chômage auxquels nous sommes tant habitués;
De nos impôts que l'envoyé d'Ottawa au Québec veut donner aux boss anglophones pour les « inciter », ma chère, à parler français, à négocier en français : repeat after me: « cheap labor means main-d'œuvre à bon marché ».
Des promesses de travail et de prospérité, alors que nous serons toujours les serviteurs assidus et les lèche-bottes des big shot, tant qu'il y aura des Westmount, des Town of Mount-Royal, des Hampstead, des Outremont, tous ces véritables chateaux forts de la haute finance de la rue St-Jacques et de la Wall Street, tant que nous tous, Québécois, n'aurons pas chassé par tous les moyens, y compris la dynamite et les armes, ces big boss de l'économie et de la politique, prêts à toutes les bassesses pour mieux nous fourrer.
Nous vivons dans une société d'esclaves terrorisés, terrorisés par les grands patrons, Steinberg, Clark, Bronfman, Smith, Neapole, Timmins, Geoffrion, L. Lévesque, Hershorn, Thompson, Nesbitt, Desmarais, Kierans (à coté de ça, Remi Popol la garcette, Drapeau le dog, Bourassa le serin des Simard, Trudeau la tapette, c'est des peanuts).
Les grands maîtres de la consommation
Terrorisés par l'église capitaliste romaine, même si ça parait de moins en moins (à qui appartient la Place de la Bourse ?), par les paiements à rembourser à la Household Finance, par la publicité des grands maîtres de la consommation Eaton, Simpson, Morgan, Steinberg, General Motors...;
Terrorisés par les lieux fermes de la science et de la culture que sont les universités et par leurs singes-directeurs Gaudry et Dorais et par le sous-singe Robert Shaw. Nous sommes de plus en plus nombreux à connaître et à subir cette société terroriste et le jour s'en vient où tous les Westmount du Québec disparaîtront de la carte.
Travailleurs de la production, des mines et des forêts; travailleurs des services, enseignants et étudiants, chômeurs, prenez ce qui vous appartient, votre travail, votre production et votre liberté. Et vous, les travailleurs de la General Electric, c'est vous qui faites fonctionner vos usines; vous seuls êtes capables de produire; sans vous, General Electric n'est rien!
Travailleurs du Québec, commencez dès aujourd'hui à reprendre ce qui vous appartient; prenez vous-mêmes ce qui est à vous. Vous seuls connaissez vos usines, vos machines, vos hôtels, vos universités, vos syndicats; n'attendez pas d'organisation miracle.
Faites votre révolution
Faites vous-mêmes votre révolution dans vos quartiers, dans vos milieux de travail. Et si vous ne la faites pas vous-mêmes, d'autres usurpateurs technocrates ou autres remplaceront la poignée de fumeurs de cigares que nous connaissons maintenant et tout sera à refaire. Vous seuls êtes capables de batir une société libre.
Il nous faut lutter, non plus un à un, mais en s'unissant, jusqu'à la victoire, avec tous les moyens que l'on possède comme l'ont fait les Patriotes de 1837-1838 (ceux que Notre sainte mère l'Eglise s'est empressée d'excommunier pour mieux se vendre aux intérêts britanniques).
Qu'aux quatre coins du Québec, ceux qu'on a osé traiter avec dedain de lousy French et d'alcooliques entreprennent vigoureusement le combat contre les matraqueurs de la liberté et de la justice et mettent hors d'état de nuire tous ces professionnels du hold-up et de l'escroquerie: banquiers, businessmen, juges et politicailleurs vendus.
Nous sommes des travailleurs québécois et nous irons jusqu'au bout. Nous voulons remplacer avec toute la population cette société d'esclaves par une société libre, fonctionnant d'elle-même et pour elle-même, une société ouverte sur le monde.
Notre lutte ne peut être que victorieuse. On ne tient pas longtemps dans la misère et le mépris un peuple en réveil.
Vive le Québec libre !
Vive les camarades prisonniers politiques !
Vive la révolution québécoise !
Vive le Front de libération du Québec !

Le drapeau du FLQ aurait été dessiné, en 1963, par Raymond Villeneuve, l'un des fondateurs du FLQ. Moitié blanc moitié bleu avec une étoile rouge au milieu du blanc.  les couleurs québécoises, sans référence à la religion, et, évidemment, avec l'étoile communiste.

 Jacques Lanctôt, ex-membre du FLQ ayant participé à cet évènement de l'Histoire.

Ce texte de Catherine Perreault-Lessardest est tiré du magazine URBANIA #27 - 2010.


Je me souviens, l’été passé, Pierre Falardeau était venu à nos bureaux. En entrevue dans notre cuisine Ikea, il s’était indigné contre la bêtise humaine, les primes de départ des dirigeants de la caisse de dépôt, Jean Charest, le peuple québécois, les fédéralistes, Vincent Lacroix et même Xavier Dolan. À 63 ans, atteint d’un cancer, il se scandalisait avec la même fougue qu’un cégépien du Vieux-Montréal.
Quand Falardeau est décédé, plusieurs journalistes ont affirmé que c’était la mort d’un des derniers vrais militants québécois. Même discours après la mort du syndicaliste Michel Chartrand, quelques mois plus tard. Pourtant, des militants, il y en a encore au Québec. Et bien vivants à part de ça. Qu’est-il arrivé de leurs idéaux de jeunesse ? Sont-ils toujours aussi convaincus ou ont-ils jeté leur serviette ?

Au Québec, quand on pense révolutionnaire, on pense d’abord aux membres du Front de Libération du Québec. Pour débuter mes recherches, j’ai passé un coup de fil à Jacques Lanctôt, 65 ans, ex-membre du FLQ ayant participé à la Crise d’octobre, aujourd’hui traducteur et chroniqueur pour Canoë.
Ça m’arrive pas tous les jours de contacter un individu qui a séquestré un diplomate britannique dans sa jeunesse, qui a passé des années en prison et qui a porté l’étiquette de « terroriste ». J’ai mis mes craintes de côté et j’ai décroché la ligne pour lui proposer de prendre un café avec moi chez Madame Bolduc sur la rue De Lorimier (comme le patriote, y’a pas de hasard).

Ce matin-là, il pleuvait à boire debout. Jacques Lanctôt est entré dans le resto légèrement mouillé, vêtu d’un veston, d’une chemise blanche et d’une paire de corduroys. Alors que je l’avais imaginé froid et distant, l’homme qui se dressait devant moi était tout sourire. Le regard pétillant, il a commandé un bol de café au lait et moi, un double-espresso. J’avais besoin d’avoir l’esprit clair pour m’entretenir avec cet homme d’idées.
J’ai ouvert la discussion en lui demandant comment il était devenu un fervent militant de la question nationale : pour comprendre comment ses idéaux avaient vieilli, j’avais besoin de savoir comment ils étaient nés.

Lanctôt m’a raconté que son père Gérard était un militant fasciste. Enfant, ses frères et soeurs et lui baignaient dans la religion, l’extrême droite et l’antisémitisme. « Mon père était mon modèle. À l’école, je répétais tout ce que j’entendais à la maison, me dit-il. Je me souviens quand Duplessis est mort, on avait fait la queue pendant des heures devant l’Assemblée nationale pour le voir exposé. »

À l’adolescence, Lanctôt a entrepris ses études pour devenir curé au Collège Saint-Ignace, avec les Jésuites. C’est là qu’il a découvert les écrits des irrévérencieux Camus, Sartre et Prévert, qui ont contribué à son éveil politique. La vraie révolte a éclaté à son 15e anniversaire, aux débuts de la Révolution tranquille. « J’étais terrible, me dit-il. Je rouspétais contre l’autorité et je refusais de me couper les cheveux, même si tout le monde avait les cheveux très courts. » S’il se révoltait contre la société en général, Lanctôt se rebellait aussi contre les idées de son père. À la maison, il avait coupé tous contacts avec son paternel et passait son temps isolé dans sa chambre au sous-sol. Le climat était invivable.


C’est à ce moment que Lanctôt a commencé à fréquenter le Paloma, un petit café sombre, situé dans un demi-sous-sol sur la rue Clark, au sud de Sherbrooke, qui était le rendez-vous des beatniks et des existentialistes montréalais. Au début des années 1960, il y côtoyait les André Brassard, Michel Tremblay et Armand Vaillancourt.
S’il était le repaire des artistes, le Paloma était aussi le point de rencontre des premiers membres du FLQ, comme Mario Bachand et Raymond Villeneuve. « Ils étaient plus vieux que moi et je me suis identifié à eux. Avec le temps, ils sont devenus mes maîtres à penser », me dit Lanctôt qui n’avait que 17 ans quand il est devenu membre du FLQ en 1963.
Quelques mois après leur rencontre, Lanctôt posait ses premières actions illégales au nom de la libération du Québec, persuadé que l’indépendance se ferait d’ici deux ou trois ans, tout au plus. À l’époque, la conjoncture était exceptionnelle : Jean Lesage s’emparait du pouvoir au Québec, le Front de libération national luttait pour l’indépendance de Algérie et les Blacks Panthers, pour les droits des Noirs aux Etats-Unis. Les luttes se radicalisaient partout dans le monde. « On se disait qu’avec des actions d’éclat, on pouvait faire bouger les choses, dit-il. Ce qu’on voulait à l’époque, c’est un Québec libre et socialiste et c’est encore ça que je veux aujourd’hui. Je n’ai jamais changé d’opinion depuis ce temps-là. »
Lanctôt ne regrette rien des bombes qu’il a posées au nom de la libération du Québec, comme il ne regrette rien de l’enlèvement de James Cross durant la Crise d’octobre, ni de ses années en exil à Cuba. Il le referait demain matin. Et honnêtement, alors qu’il me dit ses mots, j’ai peine à condamner ses actes moi aussi, car sa révolte n’était pas seulement celle d’un étudiant de 17 ans en quête de sensations fortes : elle s’inscrivait dans un mouvement national et mondial beaucoup plus grand que lui.
Depuis les événements de la crise d’Octobre — qui l’ont amené en exil forcé à Cuba et en France, puis en prison pendant trois ans —, Lanctôt a largement payé et paye encore pour les actions radicales qu’il a posées. Fort de ses 65 ans, il vit aujourd’hui la « simplicité non volontaire » dans son appartement de la rue Sherbrooke, avec sa femme et deux de ses sept enfants, âgés de cinq ans et deux mois. Il a beau avoir été éditeur pendant des années après sa sortie de prison, avoir publié les premiers romans de Dany Laferrière et serré des tonnes de mains pendant des années, il porte encore l’étiquette de « terroriste ». « Je suis encore quelqu’un qu’on stigmatise et c’est ce qui me fait le plus de peine. Je suis plus qu’un radical. Je suis un être profondément humain. »

Bien qu’il croit toujours en l’indépendance du Québec, il avoue que les actions qu’il pose ne sont plus aussi radicales qu’avant. Il sort une fois de temps en temps pour manifester et quand il se fait servir en anglais dans un commerce, il répond en français, tout simplement. Malgré tout, il se dit encore prêt à retourner en prison pour ses idées. « Pendant la crise d’Octobre, j’ai pensé que j’allais me faire tuer. Le temps que j’ai aujourd’hui, c’est du sursis pour moi. Ça me dérange pas d’aller en dedans. »
Bon an mal an, Lanctôt est persuadé que le mouvement pour l’indépendance va se re-radicaliser un jour ou l’autre. « Il va y avoir un retour du balancier, c’est juste une question de temps, me dit-il. Quand je vois ce qui se passe en Haïti, en Afrique, au Congo ou au Brésil avec Lula, ça m’encourage. On continue à lutter et c’est une vague qui va finir par atteindre le Québec. »

Franchement, j’aurais passé toute l’avant-midi à l’écouter me parler de ses histoires, à boire ses paroles et du café colombien avec lui. Au moment de quitter le café, je me suis retenue de le serrer dans mes bras.

En marchant sur De Lorimier, je me disais à quel point j’aurais préféré prendre mon café le matin au Paloma, plutôt que chez Madame Bolduc, mais surtout à quel point Lanctôt était chanceux d’avoir connu le bouillonnement des années 60. De mon vivant, je ne connaîtrais peut-être jamais une telle mouvance. C’est vrai. C’était quand, la dernière fois, où les gens de ma génération avaient vraiment vibré à l’unisson pour une cause ? Pendant le mouvement contre la guerre en Irak ? Pendant le sommet des Amériques ? La grève étudiante de 2005 ? J’avais beau y réfléchir, je ne voyais pas. Pourtant, si les jeunes d’aujourd’hui s’y mettaient, ils pourraient créer encore plus de vagues qu’au mois de mai 68. Et avec Internet et notre cher Facebook, la mobilisation mondiale serait d’autant plus facile. Des tonnes de personnes se mettraient attending pour une révolution tranquille. Mais combien d’entre elles viendraient vraiment ?


Nous ne faisons pas de sentiment. Nous nous fondons dans une lutte qui n'est pas seulement la nôtre [...] Dieu sait ce qu'on a pensé sur notre compte. Dieu sait ce qu'on a dit ! Nous faisons peut-être partie d'une génération perdue. Nous avons voulu accélérer l'histoire. Je crois que nous avons réussi. En tout cas, nous ne regrettons rien, même si (...) nous sommes en principe contre la violence. La violence qui a eu lieu, nous la prenons sur nous, nous en paierons la note.

Paul Rose
(Lors de l'arrestation de la cellule Chénier)


Tuons Saint Jean-Baptiste ! Brûlons le carton-pâte des traditions avec lequel on a voulu mythifier notre esclavage. Apprenons l'orgueil d'être hommes. Affirmons fortement notre indépendance. Et écrasons de notre liberté robuste le paternalisme compatissant ou méprisant des politiciens, des papas-patrons et des prédicateurs de défaites et de soumissions...

Le temps n'est plus aux récriminations stériles, mais à l'action. Il n'y aura pas de miracles, mais il y aura la guerre.

Être un « nègre », ce n'est pas être un homme en Amérique, mais être l'esclave de quelqu'un. Pour le riche Blanc de l'Amérique yankee, le nègre est un sous-homme. Même les pauvres Blancs considèrent le « nègre » comme inférieur à eux. Ils disent : « travailler dur comme un nègre », « sentir mauvais comme un nègre », « être dangereux comme un nègre », « être ignorant comme un nègre » ... Très souvent, ils ne se doutent même pas qu'ils sont, eux aussi des nègres, des esclaves, des « nègres blancs ». Le racisme blanc leur cache la réalité, en leur donnant l'occasion de mépriser un inférieur, de l'écraser mentalement, ou de le prendre en pitié. Mais les pauvres blancs qui méprisent ainsi le Noir sont doublement nègres, car ils sont victimes d'une aliénation de plus, le racisme, qui, loin de les libérer, les emprisonne dans un filet de haines ou les paralyse dans la peur d'avoir un jour, à affronter le Noir dans une guerre civile.

Au Québec, les Canadiens français ne connaissent pas ce racisme irrationnel qui a causé tant de tort aux travailleurs blancs et aux travailleurs noirs des États-Unis. Ils n'ont aucun mérite à cela, puisqu'il n'y a pas, au Québec, de « problème noir ». La lutte de libération entreprise par les Noirs américains n'en suscite pas moins un intérêt croissant parmi la population canadienne-française , car les travailleurs du Québec ont conscience de leur condition de nègres, d'exploités, de citoyens de seconde classe. Ne sont-ils pas, depuis l'établissement de la Nouvelle-France, au XVIIe siècle, les valets des impérialistes, les « nègres blancs d'Amérique »? N'ont-ils pas, tout comme les Noirs américains, été importés pour servir de main-d’œuvre à bon marché dans le Nouveau Monde? Ce qui les différencie: uniquement la couleur de la peau et le continent d'origine. Après trois siècles, leur condition est demeurée la même. Ils constituent toujours un réservoir de main- d'oeuvre à bon marché que les détenteurs de capitaux ont toute liberté de faire travailler ou de réduire au chômage, au gré de leurs intérêts financiers, qu'ils ont toute liberté de mal payer, de maltraiter et de fouler aux pieds, qu'ils ont toute liberté, selon la loi, de faire matraquer par la police et emprisonner par les juges « dans l'intérêt public », quand leurs profits semblent en danger.

Pierre Vallières dans Nègres blancs d'Amérique, une lecture indispensable.

Arrestation de Pierre Vallières lors d'une manifestation pour les grévistes de La Grenade, rue Rachel, Montréal, juillet 1965.

Pierre Vallières (1938-1998)



Journaliste, ecrivain, polémiste et militant indépendantiste, Pierre Vallières est né le 22 février 1938 dans l'est de Montréal, d'un père ouvrier aux usines Angus du Canadien Pacifique et engagé socialement, ainsi que d'une mère fervente catholique. Il passa sa jeunesse dans la banlieue pauvre de Jacques-Cartier, maintenant Longueuil. Après un stage comme novice chez les Franciscains, il occupa divers emplois, entre autres à la librairie de l'Université de Montréal, puis a séjourné six mois en France. Il entra à La Presse en 1963. Parmi les hommes qui l'ont le plus marqué, il cite le poète Gaston Miron, qu'il décrit comme l'un des « pères spirituels » du FLQ. Il fut l'un des co-fondateurs de la revue Révolution québécoise, qui s'annexa à Partis Pris pour fonder le Mouvement de libération populaire.



En 1966, il devient le chef idéologique du FLQ, avec Charles Gagnon, accordant notamment une plus grande importance au socialisme.  Cette même année, il fit une grève de la faim, devant les bureaux de l'ONU, à New York, pour protester contre la situation québécoise.  Il fut vite emprisonné, pour son appartenance au FLQ. Emprisonné durant quatre ans à Manhattan, il en profita pour écrire ses mémoires, des textes et des livres. Parmi ceux-ci on note son plus célèbre : Nègres blancs d'Amérique, qui fut un best-seller non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du monde.  Cet ouvrage comparant les canadiens-français aux noirs des États-Unis et certainement l'un des plus controversés du Québec moderne, est un vibrant manifeste anticolonial et anticapitaliste, appelant notamment à la lutte armée. Ce manifeste, fournira, de l'avis de plusieurs, les munitions idéologiques aux radicaux indépendantistes du FLQ sur le point d'être emportés par le tourbillon de la crise d'Octobre 1970, ayant culminé avec l'application de la loi des mesures de guerre au Québec.

De retour qu Québec au début des années 1970, il continua sa carrière de journaliste et d'écrivain. Il devient membre du Parti Québécois et renonça à la violence. En tout, il écrivit près d'une quinzaine d'ouvrages et travailla comme journaliste aux quotidiens québécois La Presse, le Devoir et au journal indépendantiste Le Jour.  Il a de plus signé des textes pour le mensuel Cité Libre. De plus, il milita pour la cause homosexuelle, avant de s'intéresser plus récemment aux droits des autochtones et à la cause de l'indépendance de la Bosnie, où il séjourna trois mois en 1995 avant de revenir au Québec très affaibli.

Aux prises avec la maladie depuis plusieurs années, Pierre Vallières est décédé, à l'age de 60 ans, le soir du 23 décembre 1998, à l'hôpital Jacques-Viger de Montréal, des suites d'une défaillance cardiaque.


Un film de 1994 sur la crise d'Octobre 1970:

OCTOBRE de Pierre Falardeau qui réalisera 18 février 1839  en 2001. 

Deux cents ans après la conquête de 1760 par l'armée anglaise, des québécois prennent les armes pour l'indépendance de leur pays. Le Front de Libération du Québec, renouant avec la lutte des Patriotes de 1837, passe à l'action armée: attaques de casernes, vols d'armes, vols d'explosifs, hold-up de financement, dynamitages, etc... Années après années, vagues après vagues, les réseaux du FLQ sont démantelés par la police, pour renaître aussitôt. Pour répondre à la répression et faire libérer leurs camarades emprisonnés, des militants du FLQ déclenchent L'opération libération. Ce film raconte une histoire vraie, basée non pas sur une reconstitution d'époque mais sur le respect des faits et des hommes.


En plein cœur de la crise d'Octobre de 70, les quatre felquistes de la cellule Chénier enlèvent le ministre du Travail et de l'Immigration Pierre Laporte, afin de forcer le gouvernement à négocier la libération des prisonniers politiques du FLQ. Pendant une semaine, heures après heures, jour après jour, les quatre hommes de la maison de la rue Armstrong écrivent l'histoire et changeront à jamais le visage politique du Québec et la portée du mouvement souverainiste québécois, autant sur la scène nationale qu'internationale. On vit avec les cinq hommes qui, acculés au mur par le pouvoir, piégés par l'implacable logique des événements, emportés par le poids des choses, l'un après l'autre, affrontent leur destin. À l'issue d'une semaine de séquestration, le destin se jouera pour le ministre et les felquistes. Une fin tant tragique qu'héroïque. Une mort nécessaire et injustifiable... En effet, la police retrouve le corps du ministre dans le coffre arrière d'une automobile. Que s'est-il passé?


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