Front de libération
du Québec
Manifeste du Front de
libération du Québec
1970
Le Front de
libération du Québec n'est pas le messie, ni un Robin des bois des temps
modernes. C'est un regroupement de travailleurs québécois qui sont décidés à
tout mettre en œuvre pour que le peuple du Québec prenne définitivement en
mains son destin.
Le Front de
libération du Québec veut l'indépendance totale des Québécois, réunis dans une
société libre et purgée à jamais de sa clique de requins voraces, les « big
boss » patronneux et leurs valets qui ont fait du Québec leur chasse-gardée du
cheap labor et de l'exploitation sans scrupule.
Le Front de
libération du Québec n'est pas un mouvement d'agression, mais la réponse à une
agression, celle organisée par la haute finance par l'entremise des
marionnettes des gouvernements fédéral et provincial (le show de la Brinks, le
bill 63, la carte électorale, la taxe dite de « progrès social », Power
Corporation, l'assurance-médecins, les gars de Lapalme ...).
Le Front de
libération du Québec s'autofinance d'impôts volontaires prélevés à même les
entreprises d'exploitation des ouvriers (banques, compagnies de finance, etc.).
«Les puissances
d'argent du statu quo, la plupart des tuteurs traditionnels de notre peuple,
ont obtenu la réaction qu'ils espéraient, le recul plutôt qu'un changement pour
lequel nous avons travaillé comme jamais; pour lequel on va continuer à
travailler.» - René Lévesque, 29 avril 1970.
La « democracy » des
riches
Nous avons cru un
moment qu'il valait la peine de canaliser nos énergies, nos impatiences comme
le dit si bien René Lévesque, dans le Parti Québécois, mais la victoire
libérale montre bien que ce qu'on appelle démocratie au Québec n'est en fait et
depuis toujours que la « democracy » des riches. La victoire du Parti Libéral
en ce sens n'est en fait que la victoire des faiseurs d'élections
Simard-Cotroni. En conséquence, le parlementarisme britannique, c'est bien fini
et le Front de libération du Québec ne se laissera jamais distraire par les
miettes électorales que les capitalistes anglo-saxons lancent dans la
basse-cour québécoise à tous les quatre ans. Nombre de Québécois ont compris et
ils vont agir. Bourassa dans l'année qui vient va prendre de la maturité: 100
000 travailleurs révolutionnaires organisés et armés!
Oui, il y en a des
raisons à la victoire libérale. Oui, il y en a des raisons à la pauvreté, au
chômage, aux taudis, au fait que vous M. Bergeron de la rue Visitation et aussi
vous M. Legendre de Ville de Laval, qui gagnez 10 000 dollars par année, vous
ne vous sentiez pas libres en notre pays le Québec.
Oui, il y en a des
raisons, et les gars de la Lord les connaissent, les pêcheurs de la Gaspésie,
les travailleurs de la Côte Nord, les mineurs de la Iron Ore, de Quebec Cartier
Mining, de la Noranda les connaissent eux aussi ces raisons. Et les braves
travailleurs de Cabano que l'on a tenté de fourrer une fois de plus en savent
des tas de raisons.
Les « vaisseaux d'or
»
Oui, il y en a des
raisons pour que vous, M. Tremblay de la rue Panet et vous, M. Cloutier qui
travaillez dans la construction à St-Jérôme, vous ne puissiez vous payer des «
vaisseaux d'or » avec de la belle zizique et tout le fling flang comme l'a fait
Drapeau l'aristocrate, celui qui se préoccupe tellement des taudis qu'il a fait
placer des panneaux de couleurs devant ceux-ci pour ne pas que les riches
touristes voient notre misère.
Oui, il y en a des
raisons pour que vous Madame Lemay de St-Hyacinthe, vous ne puissiez vous payer
des petits voyages en Floride comme le font avec notre argent tous les sales
juges et députés.
Les braves
travailleurs de la Vickers et ceux de la Davie Ship les savent ces raisons, eux
à qui l'on n'a donné aucune raison pour les crisser à la porte. Et les gars de
Murdochville que l'on a écrasés pour la seule et unique raison qu'ils voulaient
se syndiquer et à qui les sales juges ont fait payer plus de deux millions de
dollars parce qu'ils avaient voulu exercer ce droit élémentaire. Les gars de
Murdochville la connaissent la justice et ils en connaissent des tas de
raisons.
Oui, il y en a des
raisons pour que vous, M. Lachance de la rue Ste-Marguerite, vous alliez noyer
votre désespoir, votre rancœur et votre rage dans la bière du chien à Molson.
Et toi, Lachance fils avec tes cigarettes de mari... Des tas de raisons Oui, il
y en a des raisons pour que vous, les assistés sociaux, on vous tienne de
génération en génération sur le bien-être social. Il y en a des tas de raisons,
les travailleurs de la Domtar à Windsor et à East Angus les savent. Et les
travailleurs de la Squibb et de la Ayers et les gars de la Régie des Alcools et
ceux de la Seven-Up et de Victoria Precision, et les cols bleus de Laval et de
Montréal et les gars de Lapalme en savent des tas de raisons.
Les travailleurs de
Dupont of Canada en savent eux aussi, même si bientôt ils ne pourront que les
donner en anglais (ainsi assimilés, ils iront grossir le nombre des immigrants,
Néo-Québécois, enfants chéris du bill 63).
Et les policiers de
Montréal auraient dû les comprendre ces raisons, eux qui sont les bras du
système; ils auraient dû s'apercevoir que nous vivons dans une société
terrorisée parce que sans leur force, sans leur violence, plus rien ne
fonctionnait le 7 octobre!
Le fédéralisme «
canadian »
Nous en avons soupé
du fédéralisme canadien qui pénalise les producteurs laitiers du Québec pour
satisfaire aux besoins anglo-saxons du Commonwealth; qui maintient les braves
chauffeurs de taxi de Montréal dans un état de demi-esclaves en protégeant
honteusement le monopole exclusif à l'écœurant Murray Hill et de son
propriétaire-assassin Charles Hershorn et de son fils Paul qui, à maintes
reprises, le soir du 7 octobre, arracha des mains de ses employés le fusil de
calibre 12 pour tirer sur les chauffeurs et blesser ainsi mortellement le
caporal Dumas, tué en tant que manifestant ; qui pratique une politique
insensée des importations en jetant un à un dans la rue des petits salariés des
textiles et de la chaussure, les plus bafoués au Québec, aux profits d'une
poignée de maudits « money makers » roulant en Cadillac; qui classe la nation
québécoise au rang des minorités ethniques du Canada.
Nous en avons soupé,
et de plus en plus de Québécois également, d'un gouvernement de mitaines qui
fait mille et une acrobaties pour charmer les millionnaires américains en les
suppliant de venir investir au Québec, « la Belle Province », où des milliers
de milles carrés de forêts remplies de gibier et de lacs poissonneux sont la
propriété exclusive de ces mêmes Seigneurs tout-puissants du XXe siècle;
Les blindés de la
Brinks
D'un hypocrite à la
Bourassa qui s'appuie sur les blindés de la Brinks, véritable symbole de
l'occupation étrangère au Québec, pour tenir les pauvres « natives » québécois
dans la peur de la misère et du chômage auxquels nous sommes tant habitués;
De nos impôts que
l'envoyé d'Ottawa au Québec veut donner aux boss anglophones pour les « inciter
», ma chère, à parler français, à négocier en français : repeat after me: «
cheap labor means main-d'œuvre à bon marché ».
Des promesses de
travail et de prospérité, alors que nous serons toujours les serviteurs assidus
et les lèche-bottes des big shot, tant qu'il y aura des Westmount, des Town of
Mount-Royal, des Hampstead, des Outremont, tous ces véritables chateaux forts
de la haute finance de la rue St-Jacques et de la Wall Street, tant que nous
tous, Québécois, n'aurons pas chassé par tous les moyens, y compris la dynamite
et les armes, ces big boss de l'économie et de la politique, prêts à toutes les
bassesses pour mieux nous fourrer.
Nous vivons dans une société
d'esclaves terrorisés, terrorisés par les grands patrons, Steinberg, Clark,
Bronfman, Smith, Neapole, Timmins, Geoffrion, L. Lévesque, Hershorn, Thompson,
Nesbitt, Desmarais, Kierans (à coté de ça, Remi Popol la garcette, Drapeau le
dog, Bourassa le serin des Simard, Trudeau la tapette, c'est des peanuts).
Les grands maîtres de
la consommation
Terrorisés par
l'église capitaliste romaine, même si ça parait de moins en moins (à qui
appartient la Place de la Bourse ?), par les paiements à rembourser à la
Household Finance, par la publicité des grands maîtres de la consommation
Eaton, Simpson, Morgan, Steinberg, General Motors...;
Terrorisés par les
lieux fermes de la science et de la culture que sont les universités et par
leurs singes-directeurs Gaudry et Dorais et par le sous-singe Robert Shaw. Nous
sommes de plus en plus nombreux à connaître et à subir cette société terroriste
et le jour s'en vient où tous les Westmount du Québec disparaîtront de la
carte.
Travailleurs de la
production, des mines et des forêts; travailleurs des services, enseignants et
étudiants, chômeurs, prenez ce qui vous appartient, votre travail, votre
production et votre liberté. Et vous, les travailleurs de la General Electric,
c'est vous qui faites fonctionner vos usines; vous seuls êtes capables de
produire; sans vous, General Electric n'est rien!
Travailleurs du
Québec, commencez dès aujourd'hui à reprendre ce qui vous appartient; prenez
vous-mêmes ce qui est à vous. Vous seuls connaissez vos usines, vos machines,
vos hôtels, vos universités, vos syndicats; n'attendez pas d'organisation
miracle.
Faites votre
révolution
Faites vous-mêmes
votre révolution dans vos quartiers, dans vos milieux de travail. Et si vous ne
la faites pas vous-mêmes, d'autres usurpateurs technocrates ou autres
remplaceront la poignée de fumeurs de cigares que nous connaissons maintenant
et tout sera à refaire. Vous seuls êtes capables de batir une société libre.
Il nous faut lutter,
non plus un à un, mais en s'unissant, jusqu'à la victoire, avec tous les moyens
que l'on possède comme l'ont fait les Patriotes de 1837-1838 (ceux que Notre
sainte mère l'Eglise s'est empressée d'excommunier pour mieux se vendre aux
intérêts britanniques).
Qu'aux quatre coins
du Québec, ceux qu'on a osé traiter avec dedain de lousy French et
d'alcooliques entreprennent vigoureusement le combat contre les matraqueurs de
la liberté et de la justice et mettent hors d'état de nuire tous ces
professionnels du hold-up et de l'escroquerie: banquiers, businessmen, juges et
politicailleurs vendus.
Nous sommes des
travailleurs québécois et nous irons jusqu'au bout. Nous voulons remplacer avec
toute la population cette société d'esclaves par une société libre,
fonctionnant d'elle-même et pour elle-même, une société ouverte sur le monde.
Notre lutte ne peut
être que victorieuse. On ne tient pas longtemps dans la misère et le mépris un
peuple en réveil.
Vive le Québec libre
!
Vive les camarades
prisonniers politiques !
Vive la révolution
québécoise !
Vive le Front de
libération du Québec !
Jacques Lanctôt, ex-membre du FLQ
ayant participé à cet évènement de l'Histoire.
Ce texte de Catherine Perreault-Lessardest est tiré du magazine
URBANIA #27 - 2010.
Je me souviens, l’été passé,
Pierre Falardeau était venu à nos bureaux. En entrevue dans notre cuisine Ikea,
il s’était indigné contre la bêtise humaine, les primes de départ des
dirigeants de la caisse de dépôt, Jean Charest, le peuple québécois, les
fédéralistes, Vincent Lacroix et même Xavier Dolan. À 63 ans, atteint d’un
cancer, il se scandalisait avec la même fougue qu’un cégépien du
Vieux-Montréal.
Quand Falardeau est décédé,
plusieurs journalistes ont affirmé que c’était la mort d’un des derniers vrais
militants québécois. Même discours après la mort du syndicaliste Michel
Chartrand, quelques mois plus tard. Pourtant, des militants, il y en a encore
au Québec. Et bien vivants à part de ça. Qu’est-il arrivé de leurs idéaux de
jeunesse ? Sont-ils toujours aussi convaincus ou ont-ils jeté leur serviette ?
Au Québec, quand on pense
révolutionnaire, on pense d’abord aux membres du Front de Libération du Québec.
Pour débuter mes recherches, j’ai passé un coup de fil à Jacques Lanctôt, 65
ans, ex-membre du FLQ ayant participé à la Crise d’octobre, aujourd’hui
traducteur et chroniqueur pour Canoë.
Ça m’arrive pas tous les jours de
contacter un individu qui a séquestré un diplomate britannique dans sa
jeunesse, qui a passé des années en prison et qui a porté l’étiquette de «
terroriste ». J’ai mis mes craintes de côté et j’ai décroché la ligne pour lui
proposer de prendre un café avec moi chez Madame Bolduc sur la rue De Lorimier
(comme le patriote, y’a pas de hasard).
Ce matin-là, il pleuvait à boire
debout. Jacques Lanctôt est entré dans le resto légèrement mouillé, vêtu d’un
veston, d’une chemise blanche et d’une paire de corduroys. Alors que je l’avais
imaginé froid et distant, l’homme qui se dressait devant moi était tout
sourire. Le regard pétillant, il a commandé un bol de café au lait et moi, un
double-espresso. J’avais besoin d’avoir l’esprit clair pour m’entretenir avec
cet homme d’idées.
J’ai ouvert la discussion en lui
demandant comment il était devenu un fervent militant de la question nationale
: pour comprendre comment ses idéaux avaient vieilli, j’avais besoin de savoir
comment ils étaient nés.
Lanctôt m’a raconté que son père
Gérard était un militant fasciste. Enfant, ses frères et soeurs et lui
baignaient dans la religion, l’extrême droite et l’antisémitisme. « Mon père
était mon modèle. À l’école, je répétais tout ce que j’entendais à la maison,
me dit-il. Je me souviens quand Duplessis est mort, on avait fait la queue
pendant des heures devant l’Assemblée nationale pour le voir exposé. »
À l’adolescence, Lanctôt a
entrepris ses études pour devenir curé au Collège Saint-Ignace, avec les Jésuites.
C’est là qu’il a découvert les écrits des irrévérencieux Camus, Sartre et
Prévert, qui ont contribué à son éveil politique. La vraie révolte a éclaté à
son 15e anniversaire, aux débuts de la Révolution tranquille. « J’étais
terrible, me dit-il. Je rouspétais contre l’autorité et je refusais de me
couper les cheveux, même si tout le monde avait les cheveux très courts. » S’il
se révoltait contre la société en général, Lanctôt se rebellait aussi contre
les idées de son père. À la maison, il avait coupé tous contacts avec son
paternel et passait son temps isolé dans sa chambre au sous-sol. Le climat
était invivable.
C’est à ce moment que Lanctôt a
commencé à fréquenter le Paloma, un petit café sombre, situé dans un
demi-sous-sol sur la rue Clark, au sud de Sherbrooke, qui était le rendez-vous
des beatniks et des existentialistes montréalais. Au début des années 1960, il
y côtoyait les André Brassard, Michel Tremblay et Armand Vaillancourt.
S’il était le repaire des
artistes, le Paloma était aussi le point de rencontre des premiers membres du
FLQ, comme Mario Bachand et Raymond Villeneuve. « Ils étaient plus vieux que
moi et je me suis identifié à eux. Avec le temps, ils sont devenus mes maîtres
à penser », me dit Lanctôt qui n’avait que 17 ans quand il est devenu membre du
FLQ en 1963.
Quelques mois après leur
rencontre, Lanctôt posait ses premières actions illégales au nom de la
libération du Québec, persuadé que l’indépendance se ferait d’ici deux ou trois
ans, tout au plus. À l’époque, la conjoncture était exceptionnelle : Jean
Lesage s’emparait du pouvoir au Québec, le Front de libération national luttait
pour l’indépendance de Algérie et les Blacks Panthers, pour les droits des
Noirs aux Etats-Unis. Les luttes se radicalisaient partout dans le monde. « On
se disait qu’avec des actions d’éclat, on pouvait faire bouger les choses,
dit-il. Ce qu’on voulait à l’époque, c’est un Québec libre et socialiste et
c’est encore ça que je veux aujourd’hui. Je n’ai jamais changé d’opinion depuis
ce temps-là. »
Lanctôt ne regrette rien des
bombes qu’il a posées au nom de la libération du Québec, comme il ne regrette
rien de l’enlèvement de James Cross durant la Crise d’octobre, ni de ses années
en exil à Cuba. Il le referait demain matin. Et honnêtement, alors qu’il me dit
ses mots, j’ai peine à condamner ses actes moi aussi, car sa révolte n’était
pas seulement celle d’un étudiant de 17 ans en quête de sensations fortes :
elle s’inscrivait dans un mouvement national et mondial beaucoup plus grand que
lui.
Depuis les événements de la crise
d’Octobre — qui l’ont amené en exil forcé à Cuba et en France, puis en prison
pendant trois ans —, Lanctôt a largement payé et paye encore pour les actions
radicales qu’il a posées. Fort de ses 65 ans, il vit aujourd’hui la « simplicité
non volontaire » dans son appartement de la rue Sherbrooke, avec sa femme et
deux de ses sept enfants, âgés de cinq ans et deux mois. Il a beau avoir été
éditeur pendant des années après sa sortie de prison, avoir publié les premiers
romans de Dany Laferrière et serré des tonnes de mains pendant des années, il
porte encore l’étiquette de « terroriste ». « Je suis encore quelqu’un qu’on
stigmatise et c’est ce qui me fait le plus de peine. Je suis plus qu’un
radical. Je suis un être profondément humain. »
Bien qu’il croit toujours en
l’indépendance du Québec, il avoue que les actions qu’il pose ne sont plus
aussi radicales qu’avant. Il sort une fois de temps en temps pour manifester et
quand il se fait servir en anglais dans un commerce, il répond en français,
tout simplement. Malgré tout, il se dit encore prêt à retourner en prison pour
ses idées. « Pendant la crise d’Octobre, j’ai pensé que j’allais me faire tuer.
Le temps que j’ai aujourd’hui, c’est du sursis pour moi. Ça me dérange pas
d’aller en dedans. »
Bon an mal an, Lanctôt est
persuadé que le mouvement pour l’indépendance va se re-radicaliser un jour ou
l’autre. « Il va y avoir un retour du balancier, c’est juste une question de
temps, me dit-il. Quand je vois ce qui se passe en Haïti, en Afrique, au Congo
ou au Brésil avec Lula, ça m’encourage. On continue à lutter et c’est une vague
qui va finir par atteindre le Québec. »
Franchement, j’aurais passé toute
l’avant-midi à l’écouter me parler de ses histoires, à boire ses paroles et du
café colombien avec lui. Au moment de quitter le café, je me suis retenue de le
serrer dans mes bras.
En marchant sur De Lorimier, je
me disais à quel point j’aurais préféré prendre mon café le matin au Paloma,
plutôt que chez Madame Bolduc, mais surtout à quel point Lanctôt était chanceux
d’avoir connu le bouillonnement des années 60. De mon vivant, je ne connaîtrais
peut-être jamais une telle mouvance. C’est vrai. C’était quand, la dernière
fois, où les gens de ma génération avaient vraiment vibré à l’unisson pour une
cause ? Pendant le mouvement contre la guerre en Irak ? Pendant le sommet des
Amériques ? La grève étudiante de 2005 ? J’avais beau y réfléchir, je ne voyais
pas. Pourtant, si les jeunes d’aujourd’hui s’y mettaient, ils pourraient créer
encore plus de vagues qu’au mois de mai 68. Et avec Internet et notre cher
Facebook, la mobilisation mondiale serait d’autant plus facile. Des tonnes de
personnes se mettraient attending pour une révolution tranquille. Mais combien
d’entre elles viendraient vraiment ?
Nous ne faisons pas de sentiment.
Nous nous fondons dans une lutte qui n'est pas seulement la nôtre [...] Dieu
sait ce qu'on a pensé sur notre compte. Dieu sait ce qu'on a dit ! Nous faisons
peut-être partie d'une génération perdue. Nous avons voulu accélérer
l'histoire. Je crois que nous avons réussi. En tout cas, nous ne regrettons
rien, même si (...) nous sommes en principe contre la violence. La violence qui
a eu lieu, nous la prenons sur nous, nous en paierons la note.
Paul Rose
(Lors de l'arrestation de la
cellule Chénier)
Tuons Saint Jean-Baptiste !
Brûlons le carton-pâte des traditions avec lequel on a voulu mythifier notre
esclavage. Apprenons l'orgueil d'être hommes. Affirmons fortement notre
indépendance. Et écrasons de notre liberté robuste le paternalisme compatissant
ou méprisant des politiciens, des papas-patrons et des prédicateurs de défaites
et de soumissions...
Le temps n'est plus aux
récriminations stériles, mais à l'action. Il n'y aura pas de miracles, mais il
y aura la guerre.
Être un « nègre », ce n'est pas
être un homme en Amérique, mais être l'esclave de quelqu'un. Pour le riche
Blanc de l'Amérique yankee, le nègre est un sous-homme. Même les pauvres Blancs
considèrent le « nègre » comme inférieur à eux. Ils disent : « travailler dur
comme un nègre », « sentir mauvais comme un nègre », « être dangereux comme un
nègre », « être ignorant comme un nègre » ... Très souvent, ils ne se doutent
même pas qu'ils sont, eux aussi des nègres, des esclaves, des « nègres blancs
». Le racisme blanc leur cache la réalité, en leur donnant l'occasion de
mépriser un inférieur, de l'écraser mentalement, ou de le prendre en pitié.
Mais les pauvres blancs qui méprisent ainsi le Noir sont doublement nègres, car
ils sont victimes d'une aliénation de plus, le racisme, qui, loin de les
libérer, les emprisonne dans un filet de haines ou les paralyse dans la peur
d'avoir un jour, à affronter le Noir dans une guerre civile.
Au Québec, les Canadiens français
ne connaissent pas ce racisme irrationnel qui a causé tant de tort aux
travailleurs blancs et aux travailleurs noirs des États-Unis. Ils n'ont aucun
mérite à cela, puisqu'il n'y a pas, au Québec, de « problème noir ». La lutte
de libération entreprise par les Noirs américains n'en suscite pas moins un
intérêt croissant parmi la population canadienne-française , car les
travailleurs du Québec ont conscience de leur condition de nègres, d'exploités,
de citoyens de seconde classe. Ne sont-ils pas, depuis l'établissement de la
Nouvelle-France, au XVIIe siècle, les valets des impérialistes, les « nègres
blancs d'Amérique »? N'ont-ils pas, tout comme les Noirs américains, été
importés pour servir de main-d’œuvre à bon marché dans le Nouveau Monde? Ce qui
les différencie: uniquement la couleur de la peau et le continent d'origine.
Après trois siècles, leur condition est demeurée la même. Ils constituent
toujours un réservoir de main- d'oeuvre à bon marché que les détenteurs de
capitaux ont toute liberté de faire travailler ou de réduire au chômage, au gré
de leurs intérêts financiers, qu'ils ont toute liberté de mal payer, de
maltraiter et de fouler aux pieds, qu'ils ont toute liberté, selon la loi, de
faire matraquer par la police et emprisonner par les juges « dans l'intérêt
public », quand leurs profits semblent en danger.
Pierre Vallières dans Nègres blancs d'Amérique, une lecture indispensable.
Arrestation de Pierre Vallières
lors d'une manifestation pour les grévistes de La Grenade, rue Rachel,
Montréal, juillet 1965.
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Pierre Vallières (1938-1998)
Journaliste, ecrivain, polémiste et militant
indépendantiste, Pierre Vallières est né le 22 février 1938 dans l'est de
Montréal, d'un père ouvrier aux usines Angus du Canadien Pacifique et engagé
socialement, ainsi que d'une mère fervente catholique. Il passa sa jeunesse dans la banlieue pauvre
de Jacques-Cartier, maintenant Longueuil. Après un stage comme novice chez les
Franciscains, il occupa divers emplois, entre autres à la librairie de
l'Université de Montréal, puis a séjourné six mois en France. Il entra à La
Presse en 1963. Parmi les hommes qui l'ont le plus marqué, il cite le poète
Gaston Miron, qu'il décrit comme l'un des « pères spirituels » du FLQ. Il fut l'un des co-fondateurs de la revue
Révolution québécoise, qui s'annexa à Partis Pris pour fonder le Mouvement de
libération populaire.
En 1966, il devient le chef
idéologique du FLQ, avec Charles Gagnon, accordant notamment une plus grande
importance au socialisme. Cette même
année, il fit une grève de la faim, devant les bureaux de l'ONU, à New York,
pour protester contre la situation québécoise.
Il fut vite emprisonné, pour son appartenance au FLQ. Emprisonné durant
quatre ans à Manhattan, il en profita pour écrire ses mémoires, des textes et
des livres. Parmi ceux-ci on note son plus célèbre : Nègres blancs d'Amérique,
qui fut un best-seller non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du
monde. Cet ouvrage comparant les
canadiens-français aux noirs des États-Unis et certainement l'un des plus
controversés du Québec moderne, est un vibrant manifeste anticolonial et
anticapitaliste, appelant notamment à la lutte armée. Ce manifeste, fournira,
de l'avis de plusieurs, les munitions idéologiques aux radicaux
indépendantistes du FLQ sur le point d'être emportés par le tourbillon de la
crise d'Octobre 1970, ayant culminé avec l'application de la loi des mesures de
guerre au Québec.
De retour qu Québec au début des
années 1970, il continua sa carrière de journaliste et d'écrivain. Il devient membre du Parti Québécois et
renonça à la violence. En tout, il
écrivit près d'une quinzaine d'ouvrages et travailla comme journaliste aux quotidiens
québécois La Presse, le Devoir et au journal indépendantiste Le Jour. Il a de plus signé des textes pour le mensuel
Cité Libre. De plus, il milita pour la
cause homosexuelle, avant de s'intéresser plus récemment aux droits des
autochtones et à la cause de l'indépendance de la Bosnie, où il séjourna trois
mois en 1995 avant de revenir au Québec très affaibli.
Aux prises avec la maladie depuis
plusieurs années, Pierre Vallières est décédé, à l'age de 60 ans, le soir du
23 décembre 1998, à l'hôpital Jacques-Viger de Montréal, des suites d'une
défaillance cardiaque.
Un film de 1994 sur la crise d'Octobre 1970:
OCTOBRE de Pierre Falardeau qui réalisera 18 février 1839 en 2001.
Deux cents ans
après la conquête de 1760 par l'armée anglaise, des québécois prennent les
armes pour l'indépendance de leur pays. Le Front de Libération du Québec,
renouant avec la lutte des Patriotes de 1837, passe à l'action armée: attaques
de casernes, vols d'armes, vols d'explosifs, hold-up de financement,
dynamitages, etc... Années après années, vagues après vagues, les réseaux du
FLQ sont démantelés par la police, pour renaître aussitôt. Pour répondre à la
répression et faire libérer leurs camarades emprisonnés, des militants du FLQ
déclenchent L'opération libération. Ce film raconte une histoire vraie, basée
non pas sur une reconstitution d'époque mais sur le respect des faits et des
hommes.
En plein cœur de la crise
d'Octobre de 70, les quatre felquistes de la cellule Chénier enlèvent le
ministre du Travail et de l'Immigration Pierre Laporte, afin de forcer le
gouvernement à négocier la libération des prisonniers politiques du FLQ.
Pendant une semaine, heures après heures, jour après jour, les quatre hommes de
la maison de la rue Armstrong écrivent l'histoire et changeront à jamais le
visage politique du Québec et la portée du mouvement souverainiste québécois,
autant sur la scène nationale qu'internationale. On vit avec les cinq hommes
qui, acculés au mur par le pouvoir, piégés par l'implacable logique des
événements, emportés par le poids des choses, l'un après l'autre, affrontent
leur destin. À l'issue d'une semaine de séquestration, le destin se jouera pour
le ministre et les felquistes. Une fin tant tragique qu'héroïque. Une mort
nécessaire et injustifiable... En effet, la police retrouve le corps du
ministre dans le coffre arrière d'une automobile. Que s'est-il passé?
Merci!
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