Black Kettle. |
En mars 1864, Black Kettle,
ancien guerrier devenu chef pacifiste au sein des Cheyenne du sud (Southern
Cheyenne), rendit visite à l’agent Samuel Colley au Fort Larned afin de
l’informer que les Sioux Lakota avaient l’intention d’attaquer des habitations
le long des rivières Platte et Arkansas.
Black Kettle avait refusé poliment de fumer le calumet de guerre avec
les Lakota.
Colley en informa le gouverneur du
Territoire du Colorado, John Evans, qui refusa de croire en l’honnêteté des
Cheyennes.
Le 5 avril 1864, un groupe de
Cheyenne trouva un troupeau de 175 vaches près de Sand Creek, Colorado, qu’ils
rassemblèrent dans l’espoir d’en obtenir une récompense. Un geste qualifié d’anodin par l’auteur Thom
Hatch.
La nouvelle, évidemment exagérée,
atteignit les oreilles du Général Samuel Curtis, en poste au Fort Leavenworth,
Kansas, qui la transmit à son tour au Colonel John M. Chivington à Denver,
Colorado. Ce dernier obtint la
permission de transgresser les frontières de son district pour se lancer aux
trousses des « voleurs ».
Le général Curtis. |
Parallèlement à cette affaire,
une quinzaine de Dog Soldiers trouvèrent, le 11 avril, quatre mules abandonnées
près de la rivière South Platte. Au sein de la grande famille Cheyenne, les Dog
Soldiers représentaient une sorte de société secrète réunissant l’élite des
jeunes guerriers dont le rôle de chien de garde était d’assurer les arrières de
la tribu lors de ses déplacements nomadiques. Un rancher de la région alla à
leur rencontre afin de récupérer les bêtes, mais les Dog Soldiers lui
expliquèrent que pour les efforts dépensés à les rassembler sur la plaine on
leur devait au moins un cadeau. Sans
promesse, le rancher chevaucha jusqu’au Camp Sanborn, où il exagéra son
histoire devant les militaires, affirmant que ces Indiens s’en prenaient à tout
le monde dans la région.
Accompagné d’une quinzaine de
soldats, le Lieutenant Clark Dunn les localisa mais la rencontre tourna à la
fusillade. Bref, les conflits du genre
se multiplièrent tout au long du printemps et de l’été 1864.
Puis entra en scène un jeune homme
de 28 ans, le Major Edward W. « Ned » Wynkoop.
Ancien tenancier de saloon, shérif et justicier, il avait combattu les
confédérés (sudistes) lors des batailles d’Apache Canyon et de La Glorieta
Pass, en plus de pourchasser quelques Indiens hostiles. Le 2 mai 1864, Wynkoop fut nommé commandant
du Fort Lyon, Colorado.
Edward W. « Ned » Wynkoop |
Avant de revenir au Major Wynkoop,
mentionnons qu’à la même époque le village nomade de Black Kettle et de
Starving Bear (250 tipis) croisa le détachement du Lieutenant George Eayre
composé de 84 soldats. C’est en
solitaire que Starving Bear avança à leur rencontre, portant à son cou la
médaille que le président Abraham Lincoln lui avait remise en 1862 pour son
pacifisme. Starving Bear fut criblé de
balles avant même de les atteindre. Ce
meurtre gratuit souleva la colère des jeunes guerriers, qui se retrouvèrent
bientôt plus de 500 à encercler les soldats. C’est en risquant sa propre vie que Black Kettle s’interposa au milieu
de la fusillade pour calmer les siens et permettre aux hommes de Eayre de
prendre la fuite.
Devant ses supérieurs, Eayre gonfla
le bilan en affirmant avoir eu la peau de 28 Indiens, alors que la vérité se
rapproche vraisemblablement plus de 3 victimes seulement, incluant Starving
Bear.
George Eayre |
Lors d’une assemblée des chefs,
Black Kettle et ses amis continuèrent de prêcher la paix, tandis que les
intrépides Dog Soldiers ne pouvaient pardonner le meurtre gratuit de Starving
Bear. Pour éviter la confusion avec ces
quelques Cheyenne ayant choisi le sentier de la guerre, Black Kettle emmena
camper les siens près du Fort Larned.
Alors que la Guerre de Sécession
mobilisait la majorité des troupes dans l’est du pays, le Gouverneur John Evans
demanda la création d’une milice. La
paranoïa collective grimpa au point que les habitants de Denver craignirent d’être
anéantis par les représailles indiennes.
Peu après, William Bent, un
aventurier marié à une femme Cheyenne qui lui avait donné trois fils, se rendit
au village de Black Kettle pour discuter des problèmes en cours.
William Bent. |
À son retour au Fort Lyon, William
Bent croisa le Colonel Chivington et profita de l’occasion pour lui transmettre
les sages paroles de Black Kettle.
Chivington refusa cependant d’écouter.
« William Bent retourna à son ranch, troublé par sa conversation avec
cet homme qui apparemment en savait peu sur les Indiens et même sans désire d’en
apprendre » davantage.
Le 27 juin, le Gouverneur Evans
publia une déclaration selon laquelle les tribus pacifiques devaient se
rapporter au Fort Lyon afin d’éviter la confusion avec celles qui se
déclaraient en conflit ouvert avec l’armée américaine. Ceci équivalait donc à une promesse de
protection envers les tribus pacifistes, dont celle de Black Kettle.
En juillet et août, les Dog
Soldiers continuèrent leurs raids sanglants, allant jusqu’à paralyser durant
six semaines les activités de la compagnie de transport par diligence de la
Overland Trail. La ville de Denver fut
même coupée temporairement de sa principale route d’approvisionnement.
À la fin août, Black Kettle avait
réussi à apaiser la plupart des guerriers, d’autant plus que la chasse au bison
d’automne approchait. William Bent lui
rendit visite, cette fois pour l’informer de la déclaration du gouverneur du 27
juin. Black Kettle demanda alors à
George Bent (frère de William) et son beau-frère Edmond Guerrier d’écrire deux
lettres identiques, l’une destinée à l’agent Samuel Colley et l’autre au Major
Ned Wynkoop et dans lesquelles il disait accepter la paix, la protection des
militaires et aussi de remettre les captifs pris au cours de l’été.
Le 4 septembre, les chefs One Eye
et Eagle Head furent capturés alors qu’ils portaient les fameuses lettres. On les conduisit devant le Major Ned
Wynkoop. Deux jours plus tard, c’est
avec 127 hommes, dont un interprète, que Wynkoop se rendit à la rencontre des
Cheyennes sur Hackberry Creek.
C’est sous les regards menaçants
d’environ 800 guerriers lourdement armés que Wynkoop s’approcha du village, où
il fut accueilli par Black Kettle. Wynkoop n’avait aucun respect pour la philosophie d’extermination
soutenue par Chivington et plusieurs autres habitants du Colorado. Il croyait plutôt en la possibilité de
prévenir les conflits par le dialogue. Voilà une attitude qui contribua grandement à l’ouverture de cette
première rencontre.
Wynkoop leur expliqua qu’il n’avait
pas assez de pouvoir pour négocier directement un traité de paix mais qu’il
intercéderait auprès du gouverneur du Colorado.
Pour démontrer leur bonne foi, Black Kettle et les autres chefs remirent
au jeune major quelques personnes capturées au cours des derniers mois. La rencontre faillit cependant tourner au
drame lorsque Wynkoop ne put leur offrir aucune garantie en échange de ce «
cadeau ». Par chance, il se créa néanmoins
un respect mutuel entre Black Kettle et Ned Wynkoop, et ce en dépit de leur
différence d’âge et de culture. Le vieux
sage étudia longuement les faits et gestes du jeune major tout au long de la
rencontre pour en venir à la conclusion qu’il pouvait lui faire confiance.
Finalement, Black Kettle se leva et
résuma les problèmes survenus au cours des derniers mois avant de prendre la
main de Wynkoop dans la sienne et de déclarer que cet homme blanc n’était pas
venu pour se moquer d’eux; qu’il avait une oreille attentive et des yeux pour
voir.
Ce fut donc au côté de Wynkoop, le
28 septembre 1864, que Black Kettle et ses alliés rencontrèrent le Gouverneur
Evans à Camp Weld, près de Denver.
Chivington se trouvait également sur place. Black Kettle prononça un discours dans lequel
il répéta les bonnes intentions de son peuple.
La réplique d’Evans fut cependant frustrante, accusant le peuple de
Black Kettle d’être responsable de tous les malheurs de la région. L’incompréhension fut totale, Evans croyant
sans doute à tort que la hiérarchie Cheyenne fonctionnait comme celle des
Blancs. En réalité, Black Kettle ne
pouvait parler au nom de toutes les tribus et encore moins être responsable de
tout.
Black Kettle à Camp Weld. Silas Soule est en bas a droite. |
Le conseil des chefs retourna donc
au Fort Lyon en compagnie du Major Wynkoop.
Croyant que la proclamation du 27 juin était toujours valide, Wynkoop
expliqua aux pacifistes Cheyenne que ceux-ci pouvaient camper dans le secteur
jusqu’à ce qu’il reçoive lui-même de nouvelles instructions.
Wynkoop écrivit au Général Curtis
pour lui transmettre sa confiance envers les Indiens, au point de se porter
garant de leur fidélité.
Une fois installés sur la petite
rivière Sand Creek, Black Kettle et ses amis retournèrent rendre visite à
Wynkoop, qui leur distribua des rations.
Cette relation amicale incita les 650 Arapahos du chef Little Raven à
venir se joindre aux Cheyennes. Tous
furent accueillis à bras ouverts par le Major Wynkoop.
La nouvelle selon laquelle Wynkoop
aurait distribué des rations à des Indiens hostiles se faufila jusqu’aux
oreilles du Colonel Chivington. Le 17
octobre 1864 l’Ordre Spécial no. 4 releva Wynkoop de son commandement au Fort
Lyon. On le remplaça par le Major Scott
J. Anthony, un ennemi confirmé et juré des Indiens. Anthony arriva en poste le 2 novembre avec
l’ordre de ne faire aucune entente avec les Indiens et d’éviter de les laisser
s’approcher des installations militaires.
Scott Anthony |
Wynkoop avait un si bon lien avec
Black Kettle qu’il lui présenta Anthony en lui assurant que tout allait bien se
passer. En dépit du fait qu’il était
sincère, Wynkoop se trompait. On promit
également à Black Kettle qu’en dressant son campement à Sand Creek il n’aurait
rien à craindre.
Black Kettle retourna donc auprès
des siens avec le sentiment du devoir accompli et la certitude que son peuple
aurait maintenant une place de choix dans la nouvelle civilisation américaine.
Malheureusement, ce que Black
Kettle et son ami Wynkoop ignoraient c’est que le Major Anthony était tout sauf
un homme de parole.
Le 23 novembre, le Gouverneur Evans
partit vers Washington D.C. pour un prétendu voyage d’affaires. On sait maintenant que son départ
s’expliquait par ce qui était en train de se préparer hypocritement.
Ne se doutant de rien, Wynkoop se
mit donc en route pour Fort Leavenworth le 26 novembre afin de continuer ses
tentatives de paix auprès de ses camarades américains. Le même jour, Anthony envoyait deux espions
jusqu’au village de Black Kettle pour qu’on lui rapporte ensuite la disposition
des lieux. One Eye avait aussi accepté
de trahir les siens pour un salaire d’espion de 125$ par mois.
Le 28 novembre 1864, un messager de Black Kettle intercepta Wynkoop sur
la plaine pour le prévenir qu’il se dirigeait droit vers 200 guerriers Sioux
hostiles. À son arrivée au Fort Larned,
le major put confirmer que l’information était exacte. En quelque sorte, Black Kettle venait
probablement de lui sauver la vie.
Le même soir, le chef pacifiste
et les siens regagnèrent leurs tipis pour se protéger de la nuit froide,
trouvant le sommeil au son paisible de la petite rivière Sand Creek. Aucun d’entre eux ne se doutait que leur
réveil serait soudain et violent. À l’aube du 29 novembre 1864, le village de
Black Kettle situé sur la petite rivière Sand Creek, à proximité du Fort Lyon,
au Colorado, comptait un peu plus d’une centaine de tipis, ce qui représentait
environ 500 individus; en plus d’une dizaine d’autres tipis abritant les
quelque cinquante Arapahos du chef Left Hand.
Le village fut rapidement tiré de
son paisible sommeil par l’approche de quelques centaines de soldats. Calmement, les Cheyenne et les Arapahos se
questionnèrent à propos de cette présence soudaine. Ed Guerrier, John S. Smith et son fils Jack,
ainsi que David Lauderback, qui campaient à proximité, marchèrent en direction
des militaires afin d’en savoir davantage.
Pendant ce temps, Black Kettle demanda qu’on lui apporte le plus long
pôle du village afin d’y fixer le drapeau américain qui lui avait été remis
quatre ans plus tôt par le Commissaire aux Affaires Indiennes A. B. Greenwood
et qui lui avait expliqué qu’en érigeant ce drapeau face à n’importe quelle
troupe américaine le geste symboliserait la paix.
Les hommes qui encerclèrent si
rapidement le campement de Black Kettle ce matin-là faisaient partie de la 1ère
et 3ème Cavalerie du Colorado, donc des volontaires provenant de tous les
milieux sociaux. Ils avaient pour
commandant le Colonel John M. Chivington.
On estime leur nombre entre 700 et 750.
Chivington |
En dépit du fait qu’il ne
connaissait pas le projet de Chivington à l’endroit du campement de Sand Creek,
le Général Curtis préparait de son côté une campagne contre les Indiens
hostiles qu’il avait l’intention de cacher au public.
Certains officiers ayant travaillé
au côté du Major Wynkoop quelques semaines plus tôt, tentèrent de s’interposer
contre le projet de Chivington, mais sans succès. Parmi eux, Silas Soule, un ancien abolitionniste du Kansas qui interdit à ses hommes d'ouvrir le feu et qui plus tard, la paya de sa vie. Chivington se montra intransigeant et même
violent envers ceux qui ne pensaient pas comme lui.
Plutôt que d’envoyer un quelconque
avertissement, le Colonel Chivington déploya immédiatement ses troupes en
formation de combat. Certains guerriers
Cheyennes se seraient précipités pour tenter de protéger leurs chevaux et le
Lieutenant Luther Wilson se servit de ce prétexte pour ordonner à ses hommes
d’ouvrir le feu. Le massacre venait donc
de commencer.
À ses hommes qui avancèrent à pied
vers le village, Chivington aurait crié de ne faire aucun prisonnier. Les Indiens, à qui on avait pourtant promis
la paix, commencèrent à se disperser dans la confusion car les tirs provenaient
de partout. Selon George Bent, les
femmes et les enfants criaient, tandis que les hommes tentaient de récupérer
leurs armes dans les tipis. Black Kettle
restait quant à lui immobile devant son habitation faite de peaux de bison,
brandissant son drapeau américain avec l’espoir de faire cesser cette violence
gratuite.
John S. Smith, qui était pourtant
vêtu comme un militaire américain, dut rebrousser chemin sous les balles avant
même d’avoir pu atteindre les hommes de Chivington.
Le chef White Antelope, âgé
d’environ 75 ans, marcha paisiblement au-devant des oppresseurs. Sans arme, le vieil homme s’immobilisa au
bord de la rivière pour entamer son chant de la mort : « Rien ne vit longtemps,
excepté la terre et les montagnes ». Le
malheureux fut aussitôt criblé de projectiles.
Les soldats, fous de rage et sans doute le crâne bourré de propagande
raciste, le scalpèrent en plus de lui trancher les oreilles et le nez, sans
oublier son scrotum, duquel l’un des barbares eut apparemment l’intention d’en
faire une blague à tabac.
Les atrocités ne faisaient
cependant que commencer. Les hommes de
Chivington tiraient sur ceux qui tentaient de fuir. La charge fut donnée d’envahir les
habitations, tuant sans relâche hommes, femmes et enfants. Plusieurs blessés se traînèrent en direction
de la rivière, laissant derrière eux des traces de sang dans le sable.
Left Hand, désireux de respecter sa
parole de ne jamais se battre contre l’homme blanc, resta planté devant son
tipi, immobile. Certains croient qu’il
fut tué mais son corps ne fut jamais retrouvé.
Une centaine de Cheyenne parvinrent
à se réfugier derrière le lit sablonneux de la Sand Creek, ce qui leur offrit
une barricade d’une hauteur variant de 6 à 10 pieds (1,82 à 2,43m). Bien que peu nombreux, quelques-uns d’entre
eux assurèrent une certaine riposte avec les armes qu’ils avaient pu emporter.
Black Kettle conserva sa position
jusqu’à ce que les siens aient pris la fuite, mais sa femme, Medecine Woman
Later, parvint à le convaincre qu’il était temps de partir. Durant leur course, la pauvre fut terrassée
par les balles et Black Kettle dût continuer seul pour se réfugier avec le
petit groupe de résistance tapi derrière la barricade de sable. Le froid jouait également contre eux. En dépit de son âge et de son amour pour la
paix, Black Kettle accepta de recharger les armes de ses jeunes combattants.
Au village, cependant, les soldats
se laissèrent aller aux pires atrocités. Les blessés furent achevés, torturés et mutilés. Les hommes violèrent impunément des femmes et
des enfants qui hurlaient de pitié.
Smith témoigna plus tard à l’effet que des hommes utilisèrent leurs
couteaux pour éventrer les femmes, achever les enfants à coups de crosse
jusqu’à ce que leur cervelle se répande au sol.
D’autres tranchèrent les parties
intimes de femmes pour les exhiber au sommet d’un bâton. Une fillette de 6 ans portant un drapeau
blanc fut tué de sang-froid. D’autres
furent assassinés alors qu’ils se trouvaient dans les bras de leur mère. Robert Bent témoigna avoir vu des hommes
éventrer une indienne enceinte pour lui retirer son fœtus. Et une vieille femme scalpée vivante aurait
couru dans toutes les directions, la peau de son front retombant sur ses yeux.
Les témoignages en provenance des
Cheyenne confirmèrent les atrocités.
Après avoir violé les femmes, les soldats les achevaient froidement.
Le Capitaine Silas S. Soule fut le
seul à tenir tête à la folie de Chivington, ordonnant à ses soldats de ne pas
tirer. En fait, Soule positionna ses
hommes entre les bourreaux et les Cheyennes qui tentaient de fuir, leur
ordonnant de s’asseoir et d’attendre.
Deux semaines après le massacre, Soule écrivit sa peine au Major
Wynkoop, lui décrivant entre autre une indienne qui avait préféré poignarder
elle-même ses propres enfants avant de se suicider pour éviter le supplice.
Comme de raison, Chivington
traita Soule de lâche et de déserteur.
Le Lieutenant Joseph A. Cramer
écrivit pour sa part une lettre semblable à Wynkoop, qui collectionna les
preuves contre le Colonel Chivington.
Chivington affirma plus tard avoir
tué entre 400 et 600 Indiens à Sand Creek. George Bent parla plutôt de 137 victimes (28 hommes et les autres étant
des femmes et des enfants). Il réajusta
plus tard son bilan à 53 hommes et 110 femmes et enfants. Ed Guerrier, le beau-frère de Bent, parla
d’un total de 148 victimes, dont 60 étaient des hommes. Chivington aurait quant
à lui perdu seulement 10 hommes, en plus de 38 blessés. En 1998, The New Encyclopedia of the American
West estimait le nombre des victimes à 200 ou plus.
Par miracle, Black Kettle retrouva
sa femme vivante parmi les décombres. Ensemble, accompagnés des autres survivants, ils se réfugièrent au camp des
Dog Soldiers.
Le Massacre de Sand Creek eut un
impact tel que des vieux montagnards d’expérience comme Kit Carson et Jim
Bridger le dénoncèrent publiquement, eux qui connaissaient les Indiens pour les
avoir côtoyé pratiquement toute leur vie. Sur les plaines, on assista à une
alliance entre les Lakota, les Arapaho et les Cheyenne. Durant quelques mois,
la région se transforma en une véritable zone de guerre. Le Fort de Julesburg
fut attaqué et rasé par les flammes.
En décembre 1866 se déroula un
autre massacre, mais cette fois les victimes furent environ 80 soldats. Crazy Horse et sa bande massacrèrent
carrément les troupes du capitaine William J. Fetterman à quelques pas
seulement du Fort Kearny. Il n’y eut
aucun survivant. Les soldats furent
sauvagement mutilés en souvenir du Massacre de Sand Creek.
Fetterman |
Comme si les atrocités commises à
Sand Creek n’étaient pas suffisantes, les hommes de Chivington défilèrent dans
les rues de Denver pour célébrer leur « victoire ». Sous les acclamations, certains des
volontaires n’hésitèrent même pas à brandir les parties humaines qu’ils avaient
si sauvagement prélevées sur certaines de leurs victimes.
L’histoire ne dit pas comment le
Major Ned Wynkoop réagit en apprenant la nouvelle, mais on sait cependant ce
qu’il fit par la suite. Contre toute
attente, il parvint à entrer en contact avec Black Kettle et en dépit de tout
ce qui venait de se produire leur amitié demeura intacte. En décembre 1864, Wynkoop témoigna lors d’une
commission d’enquête à Washington et il ne mâcha pas ses mots à l’endroit de
Chivington.
Le 10 janvier 1865, la Maison des
Représentants ordonna la mise sur pied d’un comité dont le but serait d’étudier
la conduite du 3ème régiment des volontaires du Colorado. Le Général Samuel Curtis tenta de contourner
l’autorité du comité en appelant Chivington devant la cour martiale, mais sa
stratégie s’avéra un échec puisque le service militaire de Chivington était
expiré, c’est-à-dire qu’il était redevenu un simple civil.
Curtis |
Le Major Wynkoop fut restauré à son
poste de commandant du Fort Lyon et on lui confia également la tâche de
compiler un rapport d’enquête qui se révéla fort incriminant à l’endroit de
Chivington.
Le comité entendit ses premiers
témoignages officiels le 13 mars 1865. Les paroles du Capitaine Silas S. Soule furent parmi les plus
accablantes. Chivington se défendit en
affirmant ignorer que le village de Black Kettle était sous la protection du
gouvernement et qu’il avait trouvé 19 scalps de blancs sur les lieux; ce
dernier détail n’ayant jamais pu être confirmé.
Deux autres enquêtes furent
conduite et on alla jusqu’à consulter le célèbre Kit Carson. Bien entendu, aucun Indien ne siégea sur le
comité ni ne fut entendu à titre de témoin expert.
Le 23 avril, le Capitaine Soule, qui
travaillait également comme représentant de l’ordre à Denver, fut tué en pleine
rue par un autre soldat du nom de Charles Squiers lors d’une intervention. Une fois Soule au sol, Squiers prit la fuite
dans le noir.
Soule |
Soule était considéré comme un
homme d’une grande intégrité et sa mort fit soudainement changer la vague de
sympathie des gens de Denver, qui, jusque-là, avait penché en faveur de
Chivington. La mort de ce témoin
important parut fort étrange.
Le 30 mai 1865, la commission
ajourna ses travaux, incapable d’arriver à une conclusion ou de faire des
recommandations. Chivington soutint
jusqu’à sa mort que Sand Creek avait été un combat loyal.
En juillet 1865, Squiers fut arrêté
au Nouveau-Mexique par le Lieutenant James Cannon. Le 14 juillet, Cannon était retrouvé mort
dans sa chambre d’hôtel dans des circonstances mystérieuses. Peu après, Squiers s’évadait pour disparaître
des livres d’histoire. Une version
décrit sa fuite vers la Californie.
L'hôtel dans lequel Cannon fut retrouvé mort. |
Quatre ans après le Massacre de Sand Creek,
Black Kettle se retrouva au cœur d’une autre attaque surprise, cette fois sur
la rivière Washita. Les troupes
américaines étaient sous les ordres du célèbre George A. Custer. Black Kettle et son épouse auraient été tués
ensemble alors qu’ils fuyaient sur le dos du même cheval.
Le Massacre de Sand Creek eut
raison de la carrière politique de John Evans, mais ce dernier créa son empire
ferroviaire. Au moment de son décès le 2
juillet 1897, il était un homme riche.
John Chivington alla s’installer en
Californie, où il se présenta comme candidat républicain en 1883. Lorsque son rival politique ramena sur le
tapis le sujet de Sand Creek, il se vit dans l’obligation de se retirer de la
course. Il revint cependant à Denver
pour y devenir shérif adjoint. Il
succomba à un cancer le 4 octobre 1894.
Dégoûté par la bêtise humaine, Ned
Wynkoop retourna dans sa Pennsylvanie natale où il se lança en affaires. En 1874, il retourna dans l’ouest afin de
participer à la ruée vers l’or des Black Hills.
Il se retrouva ensuite directeur de pénitencier au Nouveau-Mexique. Il s’éteignit d’une maladie de rein le 11 septembre
1891.
Le site du Massacre de Sand Creek
fut autorisé à devenir lieu national historique par la loi 106-465 adoptée le 7
novembre 2000.
Lors de sa comparution devant la
Commission Indienne à Washington, le 23 décembre 1864, Wynkoop avait dit ceci à
propos de son ami Black Kettle :
Sa dignité et sa fière allure,
combinées à sa sagacité et son intelligence, avaient cet effet moral qui le
plaçait dans la position d’un potentat.
Toute la force de sa nature était concentrée dans la seule idée de savoir
ce qui serait le mieux à faire pour son peuple; il connaissait la puissance de
l’homme blanc, et il était conscient que de cela pourrait sortir la plupart des
démons risquant de causer la chute de son peuple, et conséquemment la totalité
de ses efforts furent dirigés en vu de se concilier avec les blancs, ainsi que
ses plus hautes tentatives à préserver la paix et l’amitié entre sa race et
leurs oppresseurs.
Trés bon article.
RépondreSupprimerJ'ai ve le film "Le Soldat Bleu" il y'a quelques années.
il raconte ce qui s'est passé à Sand Creek.
C'est tellement affreux!
Le fil soldat bleu est un bon film, mais quand même très marqué par les années 70, très manichéen. En fait l'histoire de sand creek est un peu plus compliqué que ça, et il faudrait que je réécrive un peu cet article. Wynkoop était en fait très intéressé et ne cherchait qu'à composer avec les amérindiens que pour ses propres affaires. Le chef Black Kettle semble n'avoir pas été très humain lui aussi envers des prisonniers blancs et les guerriers cheyennes n'étaient pas des tendres et sont responsables de plusieurs odieux massacres de civils. Seul Silas Soule à l'air des plus honnête finalement. Bref après plusieurs lectures d'ouvrages en anglais, je n'écrirais pas la même chose. Il n'empêche que sand creek fut un massacre abominable et que si le film soldat bleu est assez caricatural, les atrocités commises ce jour là sont véridiques.
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