Gouverner n'a jamais été autre chose que repousser par mille
subterfuges le moment où la foule vous pendra, et tout acte de gouvernement
rien qu'une façon de ne pas perdre le contrôle de la population.
Le territoire actuel est le produit de plusieurs siècles
d'opérations de police. On a refoulé le peuple hors de ses campagnes, puis hors
de ses rues, puis hors de ses quartiers et finalement hors de ses halls
d'immeuble, dans l'espoir dément de contenir toute vie entre les quatre murs
suintants du privé.
L'injonction, partout, à « être quelqu'un » entretient
l'état pathologique qui rend cette société nécessaire. L'injonction à être fort
produit la faiblesse par quoi elle se maintient, à tel point que tout semble
prendre un aspect thérapeutique, même travailler, même aimer.
Tous les « Ça va ? » qui s'échangent en une journée font
songer à autant de prise de température que s'administrent les uns aux autres
une société de patients. La sociabilité est maintenant faite de 1000 petites
niches, de 1000 petits refuges où on se tient chaud. Ou c'est toujours mieux
que le grand froid dehors.
Où tout est faux car tout n'est que prétexte à se
réchauffer.
Où rien ne peut advenir parce que l'on y est sourdement
occupé à grelotter ensemble. Cette société ne tiendra bientôt plus que par la
tension de tous les atomes sociaux vers une illusoire guérison. C'est une
centrale qui tire son turbinage d'une gigantesque retenue de larmes toujours au
bord de se déverser.
Devenir autonome, cela pourrait vouloir dire, aussi bien :
apprendre à se battre dans la rue, à s’accaparer des maisons vides, à ne pas
travailler, à s’aimer follement et à voler dans les magasins.
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