vendredi 8 août 2014

L'armée française à la conquête de l'Algérie - I


[...] qu'allons-nous faire à notre insu dans l'Algérie? Ressusciter l'Afrique. La race sémitique est une de ces races fortes qui, après avoir fait leur temps, s'usent et tombent. Sa civilisation a précédé la nôtre et avait même jeté un grand éclat : cet éclat est fini; mais il peut renaître. Il dépend de nous de communiquer aux Arabes de nouvelles forces pour continuer leur progrès. La France gagnerait de son côté à retremper la fibre molle de ses habitants du nord dans cette nature sèche et bouillante de l'Atlas. Il est des races comme des individus; il y a chez elles déperdition de forces, l'action leur enlève chaque jour de leur puissance; il faut alors que, pour se conserver et s'accroître, elles puisent sans cesse dans les autres races les éléments de leur vitalité. Le type arabe est magnifique et répond assez bien au type français; nous avons reconnu notre image dans cette race nerveuse qui se nourrit de ses luttes et qui s'endurcit de ses cicatrices. Lien naturel des peuples de notre continent avec ceux de l'extrémité de l'Afrique, l'Arabe nous initie à une plus ample conquête.

Pierre Marcel Toussaint de Serres


Le soldat français en Algérie pendant la conquête. 
Ière partie

Arrivé devant Sidi-Ferruch, le 13 juin 1830, le corps expéditionnaire français commandé par le général de Bourmont, débarquait le 14 avant l'aube et s'emparait sans grandes difficultés des positions que les Turcs tenaient à environ 2.000 mètres du rivage. Les trois divisions s'installaient alors sur le terrain conquis, occupant la presqu'île ainsi que tout le théâtre situé en avant, s'y retranchant solidement et préparant activement le prochain bond en direction de l'objectif visé : Alger... 




Du point de vue de l'organisation, l'infanterie de ligne française de 1830 est exactement la même que celle du 1° empire : 1 compagnie de grenadier, 1 de voltigeurs et 4 de fusiliers.


Dès la première journée, les couvres-shakos ont été enlevés du fait qu’ils étaient des cibles trop commodes pour les tireurs isolés bédouins (ou "baudoins" comme disaient les soldats français) et les tirailleurs turcs qui ont fait pas mal de dégât. Ordre fut donc donné de les ôter pour toutes les troupes. Cependant,  l'officier d'ordonnance du général Berthézène raconte que lors du débarquement, les "lanternes jaillissaient ça et là sur les plaques des shakos"... Alors simple effet de style ou est-ce que certaines unités n'avaient pas de couvre-shako bien avant de toucher terre?
En outre un acteur, le capitaine Allut du 37° de ligne, raconte que lors de l'établissement de la tête de pont (le 2 eme jour), les hommes de troupes, gênés dans leurs mouvements par la giberne si incommode avaient placés leurs cartouches dans un mouchoir attaché autour du corps.

Infanterie de ligne, fusilier 1830.

Infanterie légère, chasseur 1830.

Infanterie légère, officier 1830.

En 1829, les drapiers de Provence et les garanciers du Rhône avaient obtenus que la garance devienne la couleur du pantalon. En face du fusil à pierre tirant à 150 mètres, elle n’était pas plus dangereuse que le gris, le blanc ou le bleu. Le pantalon rouge commença sa carrière opérationnelle en mai 1830, quand la flotte appareille de Toulon.





Le pantalon de toile n'a pas été porté avant plusieurs années en Algérie. Au débarquement et dans les mois qui suivent, c'est donc bel et bien le pantalon garance qui est de rigueur.

« EN V'LA UNE DE BLAGUE ... OUS QU'IL EST DONC LEUR SOLEIL D'AFRIQUE !!! »

Après eux brèves combats, les troupes françaises arrivent en vue du Fort de l'Empereur, qui couvre Alger au sud, le 29 juin 1830. Le creusement des tranchées pour le siège du fort est commencé dès le 30, et le 3 juillet dans la journée, toutes les batteries de l'artillerie de siège sont mises en place.



Le 4 juillet vers 4 heures du matin, le général de La Hitte, commandant l'artillerie, donne l’ordre d'ouvrir le feu à toutes les batteries la fois ; la riposte turque dure aussi vivement que l'attaque pendant 4 heures, mais à dix heures, les feux du château s'éteignent, tous ses merlons détruits n'offrant plus aucun abri aux canonniers, presque toutes les pièces étant démontées, l'intérieur dévasté par les bombes et les obus. Au moment où l'ordre est donné de battre la forteresse en brèche, une énorme explosion pulvérise la grosse tour au centre du Fort l'Empereur : les Turcs, abandonnant le fort, avaient mis le feu aux poudres. Les Français s'en emparent et tiennent désormais à leur merci la Casbah et la ville d'Alger...


Après la prise d’Alger, de Bourmont va de l'avant, poussé et encouragé par des chefs algériens ralliés dès la première heure à la France. Il avance jusqu'à Blida dans la plaine de la Mitidja, fait occuper Bône laquelle ouvre ses portes au corps expéditionnaire et Oran après une brève résistance dans la première quinzaine d'août. Le 11 août, le nouveau ministre de la guerre, le général Gérard lui communique officiellement la nouvelle de la Révolution de juillet. Bourmont, fidèle aux Bourbons et fort soucieux du sort de l'immense trésor de guerre amassé, refuse de prêter serment au nouveau roi Louis-Philippe Ier après la chute du régime de Charles X et est remplacé par le général Clauzel (2 septembre 1830-février 1831), qui entre en négociation avec les beys du Titteri, d’Oran et de Constantine pour qu’ils acceptent le protectorat de la France. Les trois opposent un refus. Celui de Constantine se déclare indépendant à l'instar de la régence de Tunis.



C'est en Algérie que la capote (déjà amplement utilisé pendant le 1° empire) va devenir le vêtement de combat en toute saison de l’infanterie française.


La Légion étrangère est créée par ordonnance du 9 mars 1831 par le roi des Français Louis-Philippe, à l'instigation du maréchal Soult, ministre de la Guerre. Elle rassemble, à cette date, différents corps étrangers de l'armée française, dont les gardes suisses, issus de la paix perpétuelle signée après la bataille de Marignan, le régiment Hohenlohe. Cette troupe nouvelle est destinée à combattre hors du Royaume (en Algérie).
Aussitôt l’ordonnance écrite, le recrutement commence. Les volontaires sont regroupés en Haute Marle à Langres. Le chef du dépôt, le commandant Sicco, un ancien officier de l’armée napoléonienne, est un « coriace », rescapé de la campagne de Russie, ses nombreuses cicatrices au visage en témoignent. 

La Légion se forme autour des anciens régiments de Suisses et du régiment Hohenlohe, qui formeront le noyau dur de professionnels. Mais devant l’afflux de candidatures surtout venant d'outre-Rhin, le complexe de Langres qui n’est qu'un dépôt est engorgé. On crée donc des bureaux de recrutement à Auxerre pour les Allemands, Chaumont pour les Belges et les Hollandais, Agen pour les Espagnols et les Italiens et Avignon pour les Polonais. On regroupe ensuite les hommes à Bar-le-Duc, où ils tiennent une garnison.



Ensuite c’est le manque de cadres français qui se fait sentir, cette unité n’attire que très peu d'officiers et une mutation y est considérée comme une punition. Ceux qui y sont contraints, y commandent sans panache et volonté comme le suggère cette phrase du général inspecteur du 6e bataillon de Bône en Algérie en 1833 :
« Aujourd’hui les officiers étant envoyés par punition à la Légion étrangère, ils servent avec dégoût, sont humiliés de s’y retrouver et cherchent tous les moyens possibles de rentrer en France »

Quant aux sous-officiers, qui sont la colonne vertébrale de toutes armées, ils sont en sous-effectif chronique ; on promeut donc des individus sur le simple critère parfois qu’ils parlent les deux langues, on promeut ainsi de nombreux étudiants en langue, en aucun cas habitués au commandement.

Une autre complication est le manque de moyens. Cette troupe peu aimée ne reçoit pas tous les fonds nécessaires à un bon fonctionnement, la nourriture et le couchage y sont médiocres. De plus, les fraudes existent et quelques cadres peuvent abuser de leur pouvoir dans la distribution des soldes. Ainsi, dans certains cas, les légionnaires à l’hôpital ou en prison ne sont pas payés.

Enfin, la dernière difficulté est la création d’un esprit de cohésion de discipline et de fierté, éléments indispensables à la genèse d’une unité d’élite.

Les troupes sont extrêmement hétérogènes, des étudiants en médecine exilés en France pour raison politique, se retrouvent avec d’anciens grognards. Les nationalismes à fleur de peau vont faire éclater de sanglantes rixes.

Dès le mois d’août, les 1er, 2e, 3e, 5e bataillons partent pour l’Algérie, soit un total de 78 officiers et 2 669 sous-officiers et légionnaires . Ils sont aux ordres du colonel, le baron Christophe Antoine Jacques Stoeffel, un ancien officier suisse de l’armée napoléonienne qui a combattu en Espagne et qui connaît l’armée depuis plus de trente ans. C’est un officier intègre, capable, loyal et qui croit en la discipline. Les 5 bataillons débarquent à Oran, Alger et Bône.

Malgré l’insécurité et les escarmouches existantes, la Légion étrangère est d’abord employée à des travaux de terrassement. Le légionnaire gagne alors sa réputation de soldat bâtisseur. La Légion va ainsi construire la route de la Casbah dans la région d’Alger, celle de Fort-l’Empereur, ou celle de la ceinture d’Alger. Elle participe également à la construction de forts, comme celui de Fort-de-l’Eau. Mais l’exploit revient aux hommes du capitaine Drouault du 2e bataillon qui édifient une route reliant Douera à Bouffarik au milieu de nombreux marais et cela en deux mois. Cette célèbre route prendra le nom de « chaussée de la Légion ».


En 1832, la Légion est employée à l'assèchement des marais dans la région d’Alger. Les 1er et 3e bataillons s’emparent d’une redoute à Maison-Carrée, aujourd’hui El Harrach, quartier au sud-est d’Alger, pour sécuriser la zone, 300 légionnaires campent près du marabout de Sidi Mohamed Tittery lorsque la tribu des El Ouffia s’agite. Le 23 mai, une colonne, sous les ordres du commandant Salomon de Mussis, comprenant 27 légionnaires commandés par le lieutenant Châm et 25 chasseurs d’Afrique, patrouille dans la région. Le commandant pousse une reconnaissance avec les chasseurs et laisse les légionnaires au bivouac. Le 17 avril 1832, les légionnaires sont attaqués par 75 cavaliers arabes. Le petit détachement est exterminé. Le lieutenant Châm est le premier officier de Légion mort au combat.


Revenons à l'infanterie française. Après 1833, le shako n'est plus porté en tenue de campagne. On lui préfère une casquette ronde à visière qui rappelle vaguement celle de la Landwehr prussienne ou des ouvriers parisiens (influence des « trois glorieuses » ?) Parfois cet étrange couvre-chef révèle une allure improbable et même passablement loufoque, assez haute ou au contraire aplati, sorte de pouffe à visière orné d'un pompon... On le devine, ces différents modèles d'essais, si ils furent à priori portés en campagne, ne furent jamais adoptés... et on le comprend!




Mais c'est surtout la casquette d’Afrique qui va s'imposer. Il s’agit d’une sorte de shako simplifié (ou de képi avant l'heure mais très haut) et allégé, entièrement textile et plus adapté tant au climat qu’au combat. Le shako est conservé comme tenue de parade. La coiffure de casernement et de repos reste le bonnet de police avec gland devant.



L'infanterie légère d'Afrique avait été créée en juin 1832 pour recycler les militaires condamnés a des peines correctionnelles par la justice militaire, et des militaires sanctionnés par l'envoi dans les compagnies de discipline. Elle n'était donc pas une formation disciplinaire au sens strict mais une formation d'épreuve pour " rabistes".



Les unités disciplinaires étaient les « compagnies de fusiliers de discipline » et les « compagnies de pionniers de discipline », créées en 1818, dans le cadre de la loi Gouvion Saint Cyr. Cependant, il est indéniable qu'il y régnait une discipline bien plus forte que dans les autres unités de l'armée.



Terminons avec quelques unités moins glorieuses comme l'artillerie, le génie, le train, les services de santé etc...
Comme il existait des compagnies de canonniers sédentaires pour la défense des ports français (Bastia, Le Havre, Marseille, Nantes, Cherbourg), une ordonnance d’aout 1831 créa 4 compagnies de canonniers gard -côtes du territoire d'Alger. Pour la garde des places fortes, il leur fur adjoint un bataillon de fusiliers-vétérans de 1833 à 1834.




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